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Pour ou contre "Renoir", avec Michel Bouquet ?

Un peintre sur le déclin, une modèle qui n'a pas froid aux yeux, le tout sur fond de Côte d'Azur... Ce biopic autour de Renoir vaut-il le coup d'aller se payer une toile ?

Article rédigé par Léo Pajon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Michel Bouquet incarne Auguste Renoir, dans "Renoir", de Gilles Bourdos, en salles le 2 janvier 2013. (MARS DISTRIBUTION)

Nous sommes en 1915. Tandis que dans les tranchées, la guerre fait rage, Auguste Renoir (Michel Bouquet) s'assoupit dans le confort bourgeois de sa grosse propriété de la Côte d'Azur. Apparaît Andrée (Christa Théret), un modèle à la beauté incendiaire qui va lui donner un sursaut d'énergie et de créativité. Jean (Vincent Rottiers), un des fils du peintre, revenu du front, ne tarde pas à s'éprendre de la belle. Réalisé par Gilles Bourdos, ce Renoir qui sort en salle mercredi 2 janvier est-il une croûte ou une toile de maître ?

Pour : des acteurs justes, un Sud lumineux

Ce qui frappe, dès les premières images, c'est l'art du réalisateur à rendre ses paysages aussi lumineux et chatoyants que ceux du peintre. On sait que l'impressionniste utilisait rarement du noir dans ses compositions. Le cinéaste Gilles Bourdos, lui, joue sur le contraste avec des scènes d'intérieur crépusculaires, oppressantes, pour mieux rendre la lumière aveuglante de Cagnes-sur-Mer. A la vie morne et immobile de la maison s'oppose une nature constamment en mouvement, avec son vent qui agite les feuilles ou débarrasse les femmes de leurs chapeaux. L'utilisation fréquente du flou, qui mélange les couleurs et les fait vibrer, rappelle de manière assez maligne la touche rapide du peintre.

Les images évoquent Renoir, évidemment. Mais le réalisateur a l'intelligence de convoquer d'autres grands peintres. Ici, une femme à l'ombrelle fait penser à une grande toile de Monet. Plus loin, un visage baigné de lumière, près d'une fenêtre, rappelle Vermeer. Un miroir posé négligemment dans l'atelier du peintre renvoie à des dizaines de toiles, comme l'explique ce blogueur... Les amateurs d'art trouveront de nombreuses références à se mettre sous la dent.

La galaxie Renoir a été savamment reconstituée. Au centre, Michel Bouquet, magistral, donne à voir un peintre qui se conçoit comme un artisan, bien décidé à peindre jusqu'à son dernier souffle et s'il le faut, lorsque l'arthrite lui aura définitivement dévoré les mains, "avec [s]a queue". Un peintre régnant sur le "harem" de sa maisonnée tout en subissant la loi des femmes et de la nature, immense, qui le domine. Christa Théret, qui passe la moitié du film à demi-nue, impertinente jusqu'au bout des seins, rend crédible le trouble du peintre et de son fils. Mention spéciale pour Vincent Rottiers, justement, dont le jeu tout en finesse donne à voir un jeune officier en pleine métamorphose qui apprend l'amour.

Contre : un scénario délayé et trop sage

Vers la fin du film, Pierre Renoir dit à son frère Jean : "Le cinéma, c'est pas pour nous, les Français (...) Nos bagages artistiques sont trop lourds." Gilles Bourdos devance la critique... N'empêche, une heure et cinquante-et-une minutes de belles images ne suffisent pas à faire un bon long-métrage. Obsédé par la forme, le réalisateur a signé, sur le fond, un film très, trop, contemplatif.

Car l'histoire ne décolle jamais vraiment. Peut-être parce qu'entre les deux Renoir, Gilles Bourdos n'a pas choisi. L'arrivée du fils était-elle censée ajouter un peu de piment au scénario ? Entre deux séances de pose, on assiste à l'amour naissant entre Andrée et Jean, sans jamais se sentir réellement concerné. Le scénario, dispersé, n'approfondit pas la relation complexe entre le peintre, l'œuvre et le modèle, à l'inverse de celui d'un Jacques Rivette avec La belle Noiseuse. Il ne réussit pas non plus à rendre l'urgence, l'intensité dramatique de la fin de la vie de l'artiste, comme l'a fait par exemple Maurice Pialat filmant les derniers jours de Van Gogh.

Au milieu du film, Auguste Renoir s'emporte : "La chair, il n'y a que ça ! Si tu ne comprend pas, tu ne comprendras jamais rien !" Nous sommes d'accord. Finalement, malgré quelques scènes de nus, Gilles Bourdos signe un long-métrage qui manque de chair sur un peintre qui n'a cessé de peindre des seins et des fesses. Un film sage, étrangement désincarné dont on peine à comprendre la nécessité.

Faut-il y aller ? Pas nécessairement. A moins d'être un inconditionnel du peintre et d'apprécier les belles scènes d'extérieur, vous somnolerez, comme Renoir pendant une bonne partie du film...

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