Pourquoi Michel Blanc n'a pas joué dans "Le père Noël est une ordure"

Souvent associé aux succès de la troupe du Splendid, Michel Blanc a pourtant quitté la bande assez tôt, pour ne pas s'enfermer dans son personnage de dragueur-loser.
Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
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L'acteur Michel Blanc, le 20 janvier 1983 à Paris. (JEAN-JACQUES BERNIER / GETTY IMAGES)

"On adore tous vos films", essaye d'amadouer le patron d'une joaillerie de la place Vendôme braquée par Michel Blanc, qui joue son propre rôle dans Grosse Fatigue. "Surtout Le père Noël est une ordure !", renchérit une otage, allongée par terre. "J'ai pas joué dans Le père Noël", rétorque l'acteur, fusil à la main. Car Michel Blanc, dont les obsèques sont célébrées jeudi 10 octobre, est curieusement associé à l'un des films cultes du Splendid où il ne fait qu'un bref caméo vocal, le personnage du suicidaire qui insulte Thérèse (jouée par Anémone) au standard de SOS Détresse amitié.

Au moment de l'écriture de la pièce, Michel Blanc et ses copains du café-théâtre viennent de tourner Les bronzés font du ski (1979). Déjà à l'époque, les premières lézardes entre le clown blanc qui a perdu ses cheveux à 16 ans et ses compagnons apparaissent. "Ça m'emmerdait qu'on écrive une suite aux Bronzés. Je trouvais ça vulgaire", confiait-il à Studio Ciné Live, dans une interview citée par le site du CNC. Sur le plateau, il affiche un certain détachement par rapport à son personnage, en ne prenant de consignes que du réalisateur, Patrice Leconte, et pas des Clavier, Lhermitte, Chazel et consorts qui ont bûché des semaines et peaufiné chaque virgule des dialogues. "A partir du moment où je n'étais pas coauteur, j'ai estimé que je n'avais pas à discuter avec mes camarades de la manière de jouer mon texte, mais avec le metteur en scène puisque je ne devenais qu'un simple exécutant. Et les autres l'ont pris comme si je la jouais perso", relate-t-il à Alexandre Raveleau, qui lui a consacré une biographie intitulée Sur un malentendu. Ce qui lui vaut une explication avec Thierry Lhermitte. Michel Blanc se rappelle une "ambiance de chiottes" sur le tournage, un "Popeye" "très froid, mais il n'y a pas eu de fâcherie".

"Je ne suis pas collectif"

Forcément, la motivation n'est pas au beau fixe quand il faut plancher sur ce qui s'appelle encore Le père Noël s'est tiré une balle dans le cul. "On écrivait nos textes tous ensemble, dans une vraie collégialité", décrit-il à Nikos Aliagas dans l'émission "50' Inside" sur TF1. "Mais en fait, je ne suis pas collectif. Je pense que les dialogues gagnent à être écrits par une seule personne, car il y a une seule musique." Tout le contraire de l'école du Splendid où l'écriture est collective, avec une règle non écrite stipulant que personne ne s'occupe de son futur personnage, pour ne pas le favoriser par rapport aux autres. "Au bout de huit jours, j'ai dit non", se remémore Michel Blanc dans le documentaire Des bronzés au père Noël, la folle histoire du Splendid. "Non que je n'aie pas trouvé ça bien, mais je voulais voler de mes propres ailes."

Celui qui est entré dans l'inconscient populaire avec le rôle de Jean-Claude Dusse sent déjà qu'il se fait enfermer dans un type de personnage. "Dans la première partie des années 1980, on ne me proposait que des rôles de sous-Dusse", résume-t-il dans sa dernière interview, accordée à Paris-Match. "Les gens dans la rue m’appelaient 'mon pote' ou me criaient 't’as une ouverture', raconte-t-il. Bref, ils s’adressaient à Jean-Claude Dusse… Ça m’amenait vers une carrière qui ne m’intéressait pas. Je ne stimulais plus l’imaginaire des auteurs." Un drame pour celui qui a commencé chez Polanski ou Tavernier et qui vénère des classiques comme To Be or Not to Be d'Ernst Lubitsch. Sans parler d'un sentiment de décalage avec ses partenaires du Splendid : "Nous commencions, les copains et moi, à ne plus vraiment rire des mêmes choses, synthétise l'acteur dans Le Monde en 2018. Je me demandais : est-ce que j’existe ou est-ce que je suis un septième du Splendid ?"

Le traumatisme du "père Noël"

Sa participation à l'aventure du "père Noël" se fait en pointillés. Sur les planches, il dépanne deux semaines pour remplacer Gérard Jugnot dans le rôle de Félix. Une expérience traumatisante. "Sur scène, par exemple, je voyais bien que je faisais moins rire que Gérard Jugnot. Quand je l’avais remplacé dans Le père Noël est une ordure, j’enchaînais bide sur bide", racontait-il au magazine Première en 2019. Dans Télérama, vingt ans plus tôt, il estimait même "glacer" les gens, quand Jugnot les faisait rire. D'où le rôle qui lui était attribué dans une première version du scénario : il incarnait un prêtre recueillant la confession du duo de tueurs Jugnot-Chazel, avant de les dénoncer à la police. Le film devait se conclure sur un plan du couple sur le banc des accusés, au lieu de la scène du jet de cadeaux au zoo de Vincennes, retrace Première.

La troupe du Splendid reçoit un César anniversaire lors de la cérémonie des récompenses du cinéma français, le 12 mars 2021, à l'Olympia, à Paris. ( VILLARD / SIPA)

Sans regret pour Michel Blanc, dont la carrière prend un virage avec Tenue de soirée, de Bertrand Blier, en 1986. Jusqu'à son triomphe aux César, en 2012, pour son rôle de directeur de cabinet d'un ministre dans L'Exercice de l'Etat. Son discours lors de la remise de statuette en disait long : "Je n’étais pas sûr que le public m’accepte dans ces rôles-là. Et donc, je vous remercie de me donner l’autorisation de continuer dans cette direction, de continuer à être exigeant."

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