Pourquoi vous cache-t-on la vérité sur Walt Disney ?
A l'occasion de la sortie du film "Dans l'ombre de Mary-La promesse de Walt Disney", francetv info revient sur la personnalité controversé du fondateur d'une des plus célèbres usines à rêve américaines.
Y a-t-il des cadavres dans les placards de Cendrillon ? Ou des casseroles embarrassantes dans la cuisine de Ratatouille ? Disney braque la caméra sur ses propres coulisses dans Dans l'ombre de Mary – La promesse de Walt Disney, sur les écrans mercredi 5 mars. Dans ce film (intitulé, en anglais, Saving Mr Banks) de John Lee Hancock, Tom Hanks incarne le héros discret et omniprésent de notre enfance, Walt Disney : dessinateur, businessman, superproducteur et fondateur d'un empire qui fascine depuis plus de soixante-dix ans. Le récit se concentre sur son combat pour convaincre l'auteure australienne P.L Travers de le laisser porter à l'écran l'histoire de son héroïne, Mary Poppins.
Si les critiques s'accordent à dire que le film est une réussite (il affiche le score honorable de 80% sur le site Rotten Tomatoes), certains s'interrogent sur le degré de véracité des faits rapportés.
Monstre sacré, conservateur sexiste, proche des nazis, opportuniste ou victime d'un complot ? A l'occasion de la sortie de cette biographie qui n'en est pas une, francetvinfo revient sur les raisons qui font de Walt Disney un personnage à la fois si populaire et mystérieux.
Parce que Disney, l'entreprise, est obsédée par le contrôle
La première règle de Disney est : on ne laisse pas les autres parler de papa Disney. Egratigné par plusieurs biographies non autorisées par la famille, le patriarche n'a jamais fait l'objet d'un film qui ne soit pas contrôlé par la firme Disney. Jamais la maison mère n'a donné son accord. Du coup, même le documentaire Waking Sleeping Beauty (2009), sur la traversée du désert du groupe au milieu des années 1980 et sa résurrection, est une production Disney. Tout comme celui expliquant que ce n'est pas Disney, mais son collègue Ub Iwerks, qui a donné vie au personnage de Mickey Mouse.
Le film de Hancock porte donc encore la signature (celle avec le D qui ressemble tellement à un G) de Disney. Signe qui ne trompe pas, papa Walt apparaît sous les traits de Tom Hanks, l'un des acteurs préférés des Américains. Nous sommes loin de la critique acide d'Escape from Tomorrow, tourné en catimini à Disneyland et présenté au festival de Sundance en 2013, rappelle Vice.
Surtout que la firme est prompte à lâcher les avocats. Elle aurait même songé à acheter le scénario de Dans l'ombre de Mary uniquement pour s'assurer que personne d'autre ne s'en saisisse, explique le site The Wrap. "Nous n'avions jamais eu l'idée ni l'envie de faire un film sur Walt Disney auparavant", argumente, angélique, le patron de la multinationale, Sean Bailey. A l'origine du projet, l'Australien Ian Collie explique : "Nous savions que Walt Disney était un personnage-clé et qu'il nous fallait utiliser des musiques [de Mary Poppins]. Nous savions qu'à un moment, nous devrions nous adresser à Disney."
Interrogée par Slash Film (article en anglais), la scénariste Kelly Marcel s'étonne d'ailleurs d'avoir pu travailler à sa guise ("je sais que cela semble impossible", concède-t-elle). Non sans occulter quelques vérités embarrassantes, déplore un spécialiste américain de la littérature jeunesse. Selon lui, P.L Travers a tellement détesté la Mary Poppins de Disney qu'elle a fondu en larmes pendant la première. Or, dans le film, les sanglots d'Emma Thompson semblent traduire l'émotion. En revanche, l'œuvre laisse entrevoir des aspects moins glamour de la personnalité de Walt Disney, relève-t-il. D'abord, son côté arrogant (lorsqu'il déclare ne pas vouloir inviter cette casse-pied de Travers à ladite première). Puis certains de ses vices : on le devine fumeur et amateur de whisky. Mais il y a pire.
Parce que Disney, l'homme, est pour le moins controversé
Walt Disney, mort en 1966, a marqué le XXe siècle. Mais il s'est aussi heurté à l'histoire, épousant les défauts de son époque. Ainsi, dans une première version des Trois petits cochons (1933), le loup est représenté sous les traits utilisés alors pour caricaturer les juifs. Dans une biographie controversée, Leonard Mosley dépeint un Disney antisémite et explique que son frère Roy s'est rendu en 1937 en Allemagne pour assurer la distribution de Blanche Neige et les 7 nains auprès de Joseph Goebbels, ministre de la propagande d'Hitler. Le journaliste et écrivain Roger Faligot confirme qu'il s'agit d'un des films préférés du Führer (oui, Blanche Neige et les 7 nains). L'année suivante, Walt reçoit lui-même Leni Riefenstahl, déjà cinéaste au service des nazis.
Au début des années 1940, il s'oppose publiquement à l'engagement américain dans la guerre. Avant de retourner sa veste, avec l'entrée en guerre des Etats-Unis auprès des Alliés en 1941: cette année-là, il réalise pour le compte du gouvernement américain (entre deux pubs pour les serviettes hygiéniques Kotex) des dessins animés de propagande à la gloire de la bannière étoilée. Comme Der Fuehrer's Face (1942) dans lequel Donald, dans la tourmente, répète "Heil Hitler" pendant sept minutes, asservi dans une usine d'armement.
Sans conviction, Walt Disney ? Loin de là. Ses biographes le présentent comme un conservateur convaincu, inflexible lorsque ses employés se mettent en grève en 1941. Cet épisode lui cause une dépression nerveuse et révèle sa fibre anti-communiste. Dans l'ouvrage Hollywood's Dark Prince, Marc Eliot assure même que le cartooniste a collaboré avec le FBI, menant avec zèle la chasse aux sorcières mises en place par McCarthy dans les années 1950. L'auteur l'accuse même d'avoir balancé Charlie Chaplin, LE modèle de Mickey. Bref, un ramassis de mensonges et d'imprécisions, estime Karl Cohen (lien en anglais), universitaire américain qui enseigne l'histoire du cinéma d'animation. Mais assez pour tacher la légende.
Au rang des vérités moins contestables figurent son sexisme, encore récemment dénoncé par l'actrice Meryl Streep à l'occasion d'un dîner de gala à Hollywood, et son racisme. Cette accusation s'appuie, entre autres, sur le 11e long métrage du studio : Mélodie du Sud (1946). Le film, qui met en scène d'anciens esclaves et leurs anciens maîtres dans une plantation de coton, accumule les clichés raciaux, à tel point qu'il est aujourd'hui indisponible, rappelle Slate (lien en anglais).
Parce qu'on raconte énormément de bêtises sur lui
Certaines accusations sont documentées, d'autres sont complètement farfelues. Ainsi, la tête cryogénisée de Walt Disney n'est pas enterrée sous le manège Pirates des Caraïbes à Disneyland, comme le dit la rumeur (et comme le dément Vulture, qui ajoute que ses cendres reposent tranquillement à Glendale, en Californie). Le fantôme du cinéaste ne hante donc pas les lieux, quoi que suggère Documystère.com.
Walt Disney n'était pas un saint, c'est sûr, mais il n'était pas non plus à la tête d'une entreprise sataniste. Des groupes religieux extrémistes accusent régulièrement la compagnie de pervertir la jeunesse. Dans cet essai daté de 2002, le chercheur Karl Cohen démonte les "hoax", ces rumeurs qui courent sur le père de Mickey et son empire. Il explique notamment comment les fondamentalistes accusent Le Roi Lion de faire l'apologie du Vaudou. Extrait : "La relation entre le roi (Mufasa) et son frère (Scar), évoque la croyance païenne selon laquelle Jésus et Satan seraient frères". Sans mentionner le rôle non négligeable de ce babouin mystique, pas très catholique.
Toujours très remontée contre les productions Disney, l'Association des familles américaines a toujours vu des pénis là où figuraient des tours (dans La Petite Sirène et Aladdin – c'est le problème avec les bâtiments phalliques), des étoiles chaudes comme la braise (Le Roi Lion) et des érections à la place des genoux (La Petite Sirène, encore...). C'est sans compter sur les noms super provoc' des héros de Toy Story : Woody (variante de zizi en anglais) et Buzz (un prénom/terme faisant référence à la drogue). En guerre contre la joie de vivre, l'association a boycotté le film en 1995, rapporte le chercheur.
Vous êtes prévenus : à moins d'être hostile au cinéma made in Hollywood, rien n'empêche d'aller partager une salle obscure avec Tom Hanks et Emma Thompson. Jusqu'à preuve du contraire, Supercalifragilisticexpialidocious n'est pas une position du Kama-sutra. Quoique ?
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