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Première rentrée dans une école de cinéma gratuite en Seine-Saint-Denis
Dix cinéastes en herbe viennent de faire leur rentrée le 16 novembre dans une école gratuite créée au cœur de quartiers déshérités de Seine-Saint-Denis. Initiée par un collectif, l'école Kourtrajmé, du nom du groupe fondé en 1995 par une poignée d'amis d'enfance (Kim Chapiron, Romain Gavras...), comme eux, ils rêvaient de faire des films après la brèche ouverte par "La Haine" de Mathieu Kassovitz.
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Parmi ces aspirant cinéastes, Bilel Chikri, 31 ans, reprend le chemin de l'école quinze ans après l'avoir quittée sans diplôme, en annonçant la couleur : "On a notre petite touche à apporter".
Un lieu "symboliquement fort"
Deux fois nommé aux César en 2018, dans les catégories documentaire et court-métrage, membre du collectif depuis 1996, Ladj Ly rêvait d'ouvrir une école de cinéma dans le quartier où il a grandi et vit toujours. Vœu exaucé: pour sa première année, l'école est accueillie dans les "Ateliers Médicis", inaugurés cet été par l'Etat à une vingtaine de kilomètres de Paris, à cheval entre Clichy-sous-Bois et Montfermeil.Un lieu "symboliquement fort", souligne le réalisateur. Ces communes déshéritées et enclavées furent le point de départ des violences urbaines de 2005 déclenchées par la mort de deux adolescents, Zyed Benna et Bouna Traoré, dans un transformateur électrique. "J'étais un émeutier, j'en suis fier !" dit aujourd'hui Bilel Chikri. Grâce au collectif, celui-ci a montré que "des mecs comme moi" pouvaient faire du cinéma, en apportant leur pierre à l’édifice.
Il voudrait tourner un jour un film sur les "dommages collatéraux" de ces émeutes montrant aussi l'art de la "débrouille" des habitants des quartiers populaires.
Lieu de création et de formation
L'école est ouverte à tous les profils, quelles que soient leurs origines géographiques. Mais à chaque session, deux places sur dix sont réservées à des habitants de Clichy-Montfermeil. Pour "rendre la monnaie" à ce territoire qui accueille les tournages du collectif depuis 20 ans, explique Ladj Ly. Ce dernier monte actuellement la version long-métrage de son film sélectionné aux César, "Les Misérables".Lors d'une conférence de presse le 16 novembre, au côté du maire de Montfermeil Xavier Lemoine (parti chrétien-démocrate), le maire de Clichy, Olivier Klein (PS), a rappelé qu'ils étaient "attachés à ce que ces villes changent leur image et deviennent des lieux de création et de formation".
Clichy et Montfermeil ont bénéficié du plus ambitieux programme de rénovation urbaine jamais réalisé en France (670 millions d'euros). Ces villes attendent encore d'être desservies par le tramway et une gare du Grand Paris Express. Habituel pour les habitants, le trajet de plus d'une heure entre Paris et Clichy a dissuadé quelques candidats.
Pas Louise Garcia, 25 ans: "Je serais prête à faire cinq heures par jour s'il le fallait !" Dans sa famille "modeste", on considère que se lancer dans le cinéma est "un luxe". Alors cette formation gratuite est une aubaine. Objectif affiché: accueillir sans condition de diplôme des personnes "en décrochage", "surmotivées", qui n'ont pas fait d'école de cinéma.
Une volonté de s'agrandir ouverte sur l'avenir
Comédienne, graphistes... Les dix premiers élèves n'ont pas tous un profil de décrocheurs. De 20 à 38 ans, vivant à Paris et en banlieue, ils ont été sélectionnés parmi mille candidats pour une session de trois mois consacrée à l'écriture.Vingt autres élèves seront formés en 2019 à la réalisation et la post-production. La brièveté sera "compensée par l'intensité et l'encadrement", estime le responsable pédagogique, Thomas Gayrard.
En quête de subventions, Ladj Ly espère proposer par la suite une formation diplômante de neuf mois, et développer d'autres écoles en Ile-de-France et en Afrique.
Le benjamin de la promotion, Bandjougou Coulibaly vient, comme lui, de la cité des Bosquets de Montfermeil. Il a découvert les métiers du cinéma en figurant dans son film "Les Misérables".
Il veut maintenant écrire un scénario basé sur l'histoire de son frère aîné incarcéré depuis 2010 pour une affaire de meurtre. Sans cette école, dit-il, "j'aurais jamais pu imaginer faire du cinéma".
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