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Racisme : le réalisateur Raoul Peck dénonce le déni français et comprend que les jeunes se soulèvent

Consterné par la banalisation du racisme en France, le réalisateur Raoul Peck estime que le pays est dans le déni et que la révolte est nécessaire

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 2 min
Le réalisateur haïtien Raoul Peck à l'avant-première de son film "Le Jeune Karl Marx" à New York, le 23 février 2018 (M. STAN REAVES / REX / SHUTTERS / SIPA)

Le réalisateur haïtien Raoul Peck, auteur du documentaire Je ne suis pas votre nègre où il dénonçait le déni de l'Amérique blanche face au racisme, dénonce aujourd'hui le déni de la France face à ce même poison.

"La France est dans le déni et ses enfants n'ont plus le temps. Ses enfants 'adultérins' ne veulent plus attendre. Ses enfants noirs, blancs, jaunes, arc-en-ciel s'agitent", affirme le cinéaste dans un texte intitulé J'étouffe à paraître mercredi dans l'hebdomadaire Le 1.

"La concentration de colère accumulée tous les jours dans le coeur de ceux qui 'ne vous ressemblent pas', de ceux qui vous regardent du dehors à travers la vitre embuée, est incommensurable", écrit-il.

Consterné par la banalisation des mots, des gestes, des lois racistes

Avec une colère contenue, le cinéaste dont le film documentaire Je ne suis pas votre nègre avait été sélectionné aux Oscars et qui fut récompensé par le César et par le Bafta du meilleur documentaire en 2018, explique que le racisme "brutal, laid, malveillant" qu'il constate en France est le fruit d'une longue histoire liée à l'essor du capitalisme et des inégalités sociales.

"On est simplement arrivé à la fin d'un bien trop lourd héritage d'injustice, de déni et de profits, construit sur la misère des autres. La France est dans le déni, car elle refuse d'accepter d'avoir perdu sa place prédominante et son empire", estime le réalisateur.

Ancien ministre de la Culture d'Haïti, vivant essentiellement en France depuis plus de cinquante ans, Raoul Peck reconnait être "un homme noir privilégié à tout point de vue" mais il observe avec consternation "les outrances, les mots racistes, les gestes racistes, les décisions racistes, les lois racistes" qui se banalisent.

Les jeunes "ont raison de se soulever"

"Ils ont raison de se soulever, ces jeunes. Ils ont raison de manifester, ils pourraient même avoir raison de tout casser", poursuit le réalisateur qui aimerait que "chaque citoyen prenne sa part du fardeau et arrête d'observer à distance".

"Il faut tout reprendre à la racine. Tout mettre sur la table, pour tout reconstruire. Aucune institution ne doit y échapper. C'est le problème de chaque citoyen, de chaque institution, la presse comprise, de chaque conseil d'administration, de chaque syndicat, de chaque organisation politique, partout il faut ouvrir ce chantier car c'est à vous de résoudre ce problème, pas aux Noirs, ni aux Arabes, ni aux femmes, ni aux homosexuels, ni aux handicapés, ni aux chômeurs", insiste Raoul Peck avant d'ajouter : "On saura vous rejoindre en temps voulu."

"J'ai pensé qu'un autre monde était possible, sans qu'on ait à mettre le feu partout. Maintenant, je ne suis plus sûr du tout", conclut, pessimiste, le réalisateur de L'Homme sur les quais, Lumumba, Le Jeune Karl Marx…

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