Rita Moreno, star de West Side Story : "la discrimination, c'est l'histoire de ma vie"
A 86 ans, seule latino à appartenir au club restreint des artistes récompensés à la fois aux Emmys, aux Grammys, aux Tonys et aux Oscars, elle déborde de vitalité mais n'a pas oublié le racisme et le sexisme dont elle a souffert 60 ans durant.
Parmi les épisodes de sa vie : une histoire d'amour fougueuse huit ans durant avec Marlon Brando, qui l'a poussée à une tentative de suicide, et des liaisons avec des vedettes comme Elvis Presley, Dennis Hopper ou Anthony Quinn. Au final, elle épousera un cardiologue new-yorkais avec lequel elle vivra 46 ans jusqu'à sa mort en 2010, et aura une fille.
Lors d'un récent entretien à l'AFP à Ellis Island, l'île de la Statue de la Liberté où se tenait une cérémonie d'hommage aux immigrés les plus méritants, elle dit avoir désormais trouvé la plénitude. "C'est le meilleur moment (de ma vie). J'ai 86 ans, un livre sur ma vie, un disque (où elle chante pour la première fois) en espagnol, produit par mon ami Emilio Estefan, une carrière toujours active, une série sur Netflix qui entamera sa troisième saison en juin", raconte-t-elle. "Je n'ai pas à me plaindre, j'ai beaucoup, beaucoup de chance".
Heureuse du #MeToo
Elle a bataillé des années pour s'imposer. "Quand j'ai débuté dans le cinéma, discrimination raciale et harcèlement sexuel étaient partout", dit-elle. "La discrimination, c'est l'histoire de ma vie". Elle-même harcelée adolescente par un responsable des studios Fox, elle se dit "heureuse" de l'émergence du mouvement #MeToo. "Je crois que le mouvement va encore s'amplifier", dit-elle.Après son premier rôle à Broadway, à l'âge de 13 ans, elle se voit confinée dans des rôles "ethniques", avec des exceptions notables comme quand elle joue aux côtés de Gene Kelly dans "Chantons sous la pluie" (1952). A 17 ans, elle signe un contrat avec les studios MGM, et en 1962 devient la première latino à remporter un Oscar : meilleur second rôle féminin pour son interprétation d'Anita dans "West Side Story" et son entêtant "I like to be in America..."
Mais elle connaît une traversée du désert. "On ne me proposait plus rien. J'avais le coeur absolument brisé". "J'avais apparemment interprété le rôle définitif de l'hispano, personne ne pouvait plus m'imaginer jouer autre chose (...). Je n'ai pas tourné de films pendant sept ans". Peu à peu, elle trouve sa place au théâtre et à la télévision et remporte un Grammy en 1973, un Tony en 1975 et deux Emmys en 1977 et 1978.
Elle interprète aujourd'hui une grand-mère sensuelle d'origine cubaine dans la série remake de Netflix "One day at a time", sur les aventures d'une famille latino aux Etats-Unis.
L'"obscène" renvoi des clandestins
Et la reconnaissance est au rendez-vous : elle faisait partie des présentatrices à la dernière cérémonie des Oscars. Avec un bémol : une légende photo dans le New York Times l'identifiait comme une simple "invitée", suscitant un mini-tollé sur Twitter.Elle n'oublie pourtant pas ses origines immigrées et dénonce la volonté de l'administration Trump d'expulser des millions de clandestins. "C'est obscène", dit-elle. "Quand ma mère Rosa María est arrivée ici il y a plus de 80 ans, cette dame (la Statue de la Liberté) lui a ouvert les bras" et grâce à ça, "j'ai vécu et je continue à vivre le rêve américain," dit-elle.
L'artiste attend le remake de "West Side Story" que prépare Steven Spielberg. "Je suis très curieuse de voir ce qu'il fait. Je suis très nerveuse aussi. Il y a beaucoup de clichés dans le film mais je suis sûre qu'il les évitera". En plus de la série Netflix, elle a un agenda rempli d'interviews, un spectacle de cabaret qui tourne dans tout le pays et un projet de documentaire sur sa vie. "Je suis tout le temps occupée", dit-elle en souriant.
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