« 12 Years A Slave » : Steve McQueen efficace et consensuel contre l’esclavage
De Steve McQueen (II) (Etats-Unis), avec : Chiwetel Ejiofor, Michael Fassbender, Benedict Cumberbatch, Paul Dano, Paul Giamatti - 2h13 - Sortie : 22 janvier 2014
Synopsis : Les États-Unis, quelques années avant la guerre de Sécession. Solomon Northup, jeune homme noir originaire de l’État de New York, est enlevé et vendu comme esclave. Face à la cruauté d’un propriétaire de plantation de coton, Solomon se bat pour rester en vie et garder sa dignité. Douze ans plus tard, il va croiser un abolitionniste canadien : cette rencontre va changer sa vie…
Collusion
Récompensé au Golden Globes « meilleur film dramatique », « 12 Years A Slave » part favori pour la course aux Oscars. Il arrive sur les écrans après une série de films autour de la cause noire aux Etats-Unis : « Django », « Lincoln », « Le Majordome » notamment. Si Hollywood n’a jamais été à la solde de Washington (sauf durant la seconde guerre mondiale), des collusions certaines existent entre les présidents et les films sorties sous leur gouvernance.
Sous Carter, les cinéastes en pointe étaient Sydney Lumet, Sydney Pollack, ou Alan J. Pakula, qui dénonçaient les pratiques de la présidence Nixon. Sous Reagan, ce fut l’ère des gros bras, avec Stallone et Schwarzenegger et la réhabilitation de la guerre au Vietnam. Avec Bush père et fils, la crainte de l’invasion extérieure et le retour au patriotisme s’étaient notamment exprimés dans « Independance Day » ; il y en a d’autres. Avec le premier président noir à la Maison Blanche, les cinéastes ont pris à cœur de traiter de la lutte pour les droits civiques, et de la dénonciation de l’esclavagisme dans l’Amérique naissante. Grand bien soit-il, mais il n’est pas innocent d’observer l’émergence de thématiques récurrentes à des moments clés.
On ne taxera pas pour autant ces cinéastes d’opportunistes, notamment sous la présidence Obama, les sujets abordés ayant été quelque peu délaissés, même si des films tels que « Devine qui vient dîner ce soir ? », « La Couleur pourpre », « Amistad » ou « Malcom X » relèvent du même cursus. Mais ils étaient épars, ce qui compte aujourd’hui, c’est la concentration de ces titres sur une période courte. Steve McQueen aspire et parvient à transmettre toute l’horreur de la condition noire dans les Etats du Sud au XIXe siècle, à travers un cas d’école, inspiré de faits réels. Mais Tarantino n’y parvenait-il pas non-plus avec le ton qui est le sien ?
Faire beau avec du sale
Spike Lee avait appelé au boycott de « Django » pour le nombre de fois où y était prononcé le mot « nigger ». Il serait étonnant qu’il en fasse de même pour « 12 Years A Slave », vu le ton du film et la négritude de son réalisateur, alors que le terme y abonde. Histoire oblige. Tarantino était au second degré, mais non moins efficace dans sa dénonciation. Steve McQueen, est au premier, et le sujet le mérite évidemment, oh combien. Même si son film n’est pas dénué d’académisme, il insuffle au film de belles idées de mise en scène, notamment dans un montage par moment syncopé, moins linéaire qu’il n’y parait, et un jeu sur le son qui se superpose d’une scène à l’autre (effet inventé par la Nouvelle vague) très signifiant.
La magnifique photo signée Sean Bobbitt pose toutefois la sempiternelle question de savoir si l’on peut faire beau sur une histoire sale ? Steve McQueen ne passe pas à travers, même si son film traite avec acuité son propos et ne lésine pas sur le portrait d’esclavagistes, hommes comme femmes, sans pitié, avec tous les phantasmes, assouvis ou frustrés, qu’une telle domination leur procure. Un des côtés les plus intéressants du film. Comme celui de découvrir l’ouverture dans les Etats du Nord envers les Noirs, même s’ils devaient être très minoritaires, avant la guerre de Sécession, l’action se déroulant dans les années 1840-50. Steve McQueen fait le consensus, autour d’un sujet consensuel, avec une fresque engagée, mais que l’on aurait aimé un peu plus dérangeante.
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