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"A la recherche de Vivian Maier", photographe mystérieuse révélée post mortem

En 2007, un jeune agent immobilier de Chicago, John Maloof, achète un lot de photos dans une vente aux enchères. L'auteur de ces photos, Vivian Maier, totale inconnue et décédée deux ans plus tard dans l'anonymat et la misère, est devenue depuis une star de la photographie, exposée dans le monde entier. John Maloof a voulu savoir qui elle était et raconte son enquête dans un documentaire.
Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Autoportraits de Vivian Maier
 (Vivian Maier / Collection John Maloof Courtesy Howard Greenberg Gallery, New York, Les Douches La Galerie, Paris)
La note Culturebox
3 / 5                  ★★★☆☆

"A la recherche de Vivian Maier" : de Charlie Siskel et John Maloof (Etats-Unis) – 1h24 - Sortie le 2 juillet 2014

Synopsis : En 2007, alors que John Maloof cherchait des documents photographiques sur un quartier de Chicago, il achète pour 380 dollars un lot comprenant des tas de négatifs. Il ne trouve rien qui intéresse son enquête et met les photos de côté, mais il finit par se rendre compte de leur qualité et se met à les scanner. Il en publie 200 sur internet et obtient de nombreux retours lui confirment qu'il a acquis un trésor.
 
Parmi ces images figurent des portraits d'enfants, des portraits de rue consentis (de pauvres ou d'exclus) ou volés (dames en manteau de fourrure agacées d'être surprises par le Rolleiflex de la photographe). Et des autoportraits fascinants où son reflet se démultiplie dans des miroirs, où son ombre se projette dans l'espace.
John Maloof connaît le nom de la photographe mais ne trouve aucune information sur elle, jusqu’à la publication de son avis de décès en 2009. Il va découvrir alors que Vivian Maier, née en 1929 à New York, s'était occupée d'enfants toute sa vie et n'avait jamais montré ses photos.
 
John Maloof se passionne pour cette femme mystérieuse et cherche à savoir qui elle était, en rencontrant ceux qui l'ont connue, notamment les enfants dont elle s'est occupée. C'est cette enquête qu'il raconte dans le film.
 
Très vite, les photos de Vivian Maier suscitent l’intérêt du public. John Maloof demande au MoMA de l'aider et essuye un refus. Mais en 2011 il arrive à organiser une exposition au Cultural Center de Chicago, où la foule se presse. A ce moment-là, "l’histoire a décollé", raconte-t-il.
John Maloof tourne "A la recherche de Vivian Maier"
 (Ravine Pictures, LLC)
 
Une femme mystérieuse, excentrique, secrète
Le jeune homme, visiblement pris de passion pour la photographe, cherche alors à savoir qui elle est. Elle gardait tout et grâce aux factures des studios qui développaient ses photos, où figurent des adresses, il réussit à contacter ses anciens employeurs, chez qui elle logeait.
 
"Paradoxale", "mystérieuse", "excentrique", "secrète", "audacieuse", voici quelques-uns des qualificatifs qu’ils lui attribuent.
 
Ils vont dresser un portrait en pointillé. Car le personnage, qui se promène toujours avec son Rolleiflex en bandoulière, caché dans de grands manteaux et des chemises d’hommes, garde une part de mystère. La première chose qu'elle demandait, quand elle s’installait dans une nouvelle famille, c’était un verrou pour sa chambre, où elle empilait des centaines de journaux et des tas de boîtes.
Vivian Maier gardait tout. On a retrouvé ces documents dans les caisses vendues aux enchères
 (Ravine Pictures, LLC)
 
Des témoignages de ceux qui l'ont connue
Ceux qui l’ont côtoyée enfants racontent leurs promenades dans la ville. L’un est marqué par son intérêt étrange pour des mannequins nus dans des vitrines, une autre par une promenade près d’un abattoir.
 
Quand elle était jeune, il semblerait que les enfants aient été séduits par sa fantaisie. Mais à la fin de sa vie, elle était sans doute fatiguée de ce travail qu’elle n'avait pas choisi par intérêt pour les enfants mais pour avoir la liberté d’être dehors et de faire des photos. Les témoignages évoquent alors une personne solitaire à la limite de la pathologie psychiatrique, qui pouvait être assez désagréable.
 
Visiblement, à l’époque, personne n’avait conscience de son talent et il est assez amusant d'entendre les regrets posthumes de ceux qui l’ont côtoyée : une ancienne employeuse s'en veut de l’avoir remerciée, parce qu’elle la trouvait trop dérangée. Une femme qui dit avoir été une de ses seules amies déplore qu'elles ne soient pas restées en contact.
Un instant saisi par Vivian Maier
 (Vivian Maier/Collection John Maloof Courtesy Howard Greenberg Gallery, New York Les Douches La Galerie, Paris )
 
Un talent aujourd'hui reconnu
Aujourd'hui, Vivian Maier est reconnue comme une grande photographe. Dans le film, Joel Meyerowitz évoque l'enchantement qu'il ressent face à ses photos. Elles l'ont immédiatement frappé, dit-il, soulignant son sens du cadrage et de la lumière. Le photographe américain s'interroge aussi sur le mystère Vivian Maier : pourquoi n’est-elle pas devenue une photographe célèbre de son vivant, alors qu'elle avait selon lui un véritable œil d'artiste ?
 
L'histoire est extraordinaire, ce qui suffit à rendre le film passionnant. Et l'enthousiasme de John Maloof, complètement engagé dans la promotion de l'œuvre de cette mystérieuse inconnue, est extrêmement sympathique. Mais il ne faut pas oublier que l'histoire de Vivian Maier est aussi une histoire commerciale. Des tirages de ses photos se vendent maintenant dans les galeries du monde entier. Et on ne peut s'empêcher de se dire qu'avec ce film, le collectionneur fait la promotion de sa propre collection.
 
Qui plus est la collection de quelqu'un qui n'a jamais montré ses photos. Certains négatifs n'ont même jamais été développés. Voulait-elle que son travail soit connu, peut-on se demander.
 
Deux collections, deux documentaires
Quand les affaires de Vivian Maier, stockées dans un garde-meuble dont elle ne pouvait plus payer le loyer, ont été dispersées, elles ont été achetées par une demi-douzaine de personnes. John Maloof a cherché à en racheter un maximum mais un autre collectionneur, Jeffrey Goldstein, revendique 19.000 négatifs soit environ un sixième du total.
 
Tout comme d'autres témoins importants, il est absent du documentaire. Il faudrait voir en contrepoint le film de la BBC, "Who Took Nanny's Pictures ?" (Qui a pris les photos de la nounou ?), qui leur donne la parole. Et, de toute façon, on n'arrivera sans doute jamais à réellement percer le mystère de la personnalité de cette grande photographe découverte après sa mort.

A l'occasion de la sortie du film, la galerie parisienne Les Douches, qui représente la collection Maloof, propose un accrochage de photos de Vivian Maier du 3  au 26 juillet 2014.


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