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"Alice et le Maire" : Fabrice Luchini impeccable en politicien vieillissant et à court d'idées

Le film avait été projeté lors de la Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, en mai dernier. Fabrice Luchini y est parfait en vieux maire de Lyon en panne d’idées.

Article rédigé par Jean-François Lixon
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Fabrice Luchini et Anaïs Demoustier dans "Alice et le maire" (Bac Films)

Ceux qui s’attendent à assister à un festival de fantaisies signées Fabrice Luchini risquent d’être déçus en regardant Alice et le Maire, le dernier film du cinéaste Nicolas Pariser (Le Grand Jeu en 2015). Et ils seront bien les seuls. 

L’érudit comédien français y interprète tout en finesse Paul Théraneau, le maire socialiste de Lyon, cacique vieillissant entouré de collaborateurs aux dents longues et aux idées courtes. Les idées, justement, le maire n’en a plus alors que ses ambitions grandissent. Il fait venir auprès de lui Alice (Anaïs Demoustier), une jeune femme tout juste engagée à un petit poste dans l’équipe de communication de la mairie. Elle se voit chargée par le maire de lui donner des idées, d’être ce qu’il était à ses débuts : un type à quartz, avec une idée par seconde. La jeune femme va réussir au delà des espérances de l’édile, mais ses idées iront-elles dans le sens de ce qu’il en attend ?

Cette jolie fable tout à fait crédible pourrait être le chapitre précédant L’Exercice de l’Etat, le film de Pierre Schoeller sorti en 2011. Ici le pouvoir s’exerce dans des sphères moins hautes. Le cynisme et la cruauté n’y atteignent donc pas les mêmes sommets. Pourtant, on sent bien que l’aréopage qui vit de et pour le maire serait bientôt prêt à tout pour conserver et amplifier ses prérogatives. Alice va bouleverser sans le vouloir cet ordre établi et gravir quatre à quatre les échelons de l’administration municipale.

Nicolas Pariser nous épargne heureusement l’idylle entre le maire et la jeune femme qu’on redoutait de voir arriver. Il dépeint à petites touches les moeurs de ce microcosme qui se croit puissant parce qu’il côtoie le pouvoir. Il tire également  un assez bon parti de la situation géographique de Lyon, à la fois proche et éloignée des centres décisionnels nationaux. Il n’évite pourtant pas les écueils géographiques : la jeune femme ne peut qu’habiter le quartier réputé bobo de la Croix-Rousse et y descend forcément à pied les escaliers de cette même colline aperçus dans tout film tourné dans la capitale des Gaules. Détail.

Un film déjà historique ?

Ce qui est plus gênant, c’est que depuis que le film a été tourné (des indices laissent penser qu’il l’a été au printemps 2017), le paysage politique français a beaucoup changé. Aujourd’hui, la désignation du candidat socialiste à l’élection présidentielle ne ferait plus la une des chaînes d’info continue. Le véritable maire de Lyon, d’ailleurs, n’est plus au PS. Ce vieillissement prématuré de l’histoire donne presque au film une valeur historique tant a changé le contexte de notre pays.

Fabrice Luchini et Anaïs Demoustier dans "Alice et le maire" (Bac Films)

Qui, derrière Paul Théraneau ?

On peut se prendre à tenter de trouver qui Nicolas Pariser pourrait évoquer à travers le personnage de Paul Théraneau ? On sait que Gérard Collomb, redevenu maire de Lyon après son passage au ministère de l'Intérieur avait pris ombrage du film quand il en a appris le tournage. Peu importe finalement, la fable est lyonnaise, elle pourrait être bordelaise, lilloise ou bisontine. Elle pose très adroitement la question du pouvoir et de sa finalité. Paul Théraneau y apporte sa réponse, serait-elle partout la même ?

Pensée et politique, la cohabitation impossible ?

Mais l’essentiel est ailleurs, dans l’évolution du maire de Lyon, Paul Théraneau-Fabrice Luchini noyé dans la solitude du pouvoir et retrouvant une jeunesse perdue au fur et à mesure qu’il saisit la vanité de l’ambition politique. Nicolas Pariser a l'élégance de ne pas noyer son spectateur dans des considérations psychologiques superflues, son récit reste fluide, léger, malgré la gravité de son propos : peut-on vraiment accorder la pensée et la pratique de la vie politicienne ?

Le jeu de Fabrice Luchini gagne en profondeur ce qu'il perd en "luchineries". On aimera toujours l'exubérant trublion des plateaux de télévision, mais on appréciera aussi celui qui dit si bien Louis-Ferdinand Céline et habite Paul Théraneau.

Laffiche de "Alice et le maire" de Nicolas Pariser. (Bac Films)

La fiche

Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Nicolas Pariser
Acteurs : Fabrice Luchini, Anaïs Demoustier, Nora Amzawi

Pays : France
Durée : 1h43
Sortie : 2 octobre 2019
Distributeur : Bac Films

Synopsis
 : Le maire de Lyon, Paul Théraneau, va mal. Il n’a plus une seule idée. Après trente ans de vie politique, il se sent complètement vide. Pour remédier à ce problème, on décide de lui adjoindre une jeune et brillante philosophe, Alice Heimann. Un dialogue se noue, qui rapproche Alice et le maire et ébranle leurs certitudes.

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