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"Antigone" : une adaptation contemporaine remarquable de la tragédie antique

Après Jean Anouilh en 1944, la réalisatrice québécoise Sophie Deraspe adapte la pièce de Sophocle sous un jour contemporain intense.

Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 2 min
Nahéma Ricci dans "Antigone" de Sophie Deraspe. (Copyright Ligne 7)

Antigone est éternelle. Tragédie de Sophocle remontant à 400 ans avant Jésus Christ, Jean Anouilh l’avait adaptée pendant l’occupation allemande, en se détachant des codes antiques, pour faire écho au contexte de l’époque. Sophie Deraspe suit une démarche similaire, en faisant de la fille d’Œdipe une adolescente d’aujourd’hui qui se sacrifie pour sauver son jeune frère de la prison.

Tragédie réaliste

Antigone est une adolescente issue d’une famille immigrée au Québec. Ses parents décédés, elle vit avec sa grand-mère, ses deux frères, petits délinquants, et sa soeur. Quand l’aîné est tué par la police, son cadet abat un membre des forces de l’ordre et est emprisonné. Ne supportant pas de le voir derrière les barreaux, Antigone le fait évader en prenant sa place. Découverte, elle défend sa vision de la justice, devenant malgré elle la porte-parole des invisibles de la société québécoise et d’une jeunesse rebelle.Cinquième long métrage de Sophie Deraspe, Antigone semble le premier à être projeté en France, alors qu’elle est auréolée de plusieurs prix dans les festivals internationaux. Une reconnaissance justifiée au regard de son nouveau film réaliste et plein de grâce. Ce rapport au réel semble au cœur de son travail de cinéaste, dont elle a toute les qualités d’observatrice comme documentariste, mises au service d’une dramaturgie éblouissante.

Ouverture et sobriété

Les textes classiques sont souvent synonymes de modernité, c’est-à-dire en avance sur leur temps et éternels. Antigone est de ceux-là. L’adaptation de la pièce, qui ignore le texte original sauf le nom des personnages, est des plus réussies. Elle fait de cette jeune grecque antique réfractaire aux lois refusant l'enterrement de son frère, une sœur dévouée à son cadet pour le sortir de prison.

Sa peinture de la réalité contemporaine rencontre la tragédie antique, sans que jamais elle ne prenne le dessus, tout en la servant. Comme si son film reposait sur un scénario original non-sourcé. Mais cette référence lui donne en même temps une pertinence majeure, car elle ancre le film dans un texte immuable. L’histoire ne fait que se répéter sous des jours nouveaux.

Nahéma Ricci et Antoine Desrochers dans "Antigone" de Sophie Deraspe. (Les Alchimistes)

La jeune actrice de 21 ans, Nahéma Ricci, dans le rôle-titre, porte le film sur ses frêles épaules, comme Antigone prend sur elle les conséquences de ses actes, dans la tragédie. Sophie Deraspe ne la statufie pas pour autant, car sa quête de justice et l'interrogation sur les institutions, questionnent le spectateur sans lui donner de réponses. C’est à lui de se forger une opinion. Cette interprétation ouverte, alliée à un réalisme sensible et sobre, forgent une des plus belles réussites de cette rentrée cinématographique.
l'affiche de "Antigone" de Sophie Deraspe. (Les Alchimistes)

La fiche

Genre : Drame
Réalisatrice : Sophie Deraspe
Acteurs : Nahéma Ricci, Rachida Oussaada, Nour Belkhiria
Pays : Québecois / Canadien
Durée : 1h49
Sortie : 2 septembre 2020
Distributeur : Les Alchimistes

Synopsis : Antigone est une adolescente brillante au parcours sans accroc. En aidant son frère à s'évader de prison, elle agit au nom de sa propre justice, celle de l'amour et la solidarité. Désormais en marge de la loi des hommes, Antigone devient l'héroïne de toute une génération et pour les autorités, le symbole d'une rébellion à canaliser...

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