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"Arthur Rambo" : Laurent Cantet adapte l'affaire Mehdi Meklat, à la fois auteur humaniste et propagateur de haine

Le réalisateur de l’"Emploi du temps" et d’"Entre les murs" ausculte la double personnalité de l’écrivain et chroniqueur Mehdi Meklat dans une fiction, sans prétendre en résoudre l’énigme.

Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
Rabah Naït Oufella dans "Arthur Rambo" de Laurent Cantet (2022). (CELINE NIESZAWER)

Après l’affaire Roman dans L’Emploi du temps (2001), le réalisateur Palme d’or 2008 pour Entre les murs Laurent Cantet se penche sur une nouvelle histoire vraie dans Arthur Rambo qui sort mercredi 2 février. En 2017, le chroniqueur du Bondy Blog et écrivain Mehdi Meklat, loué pour sa défense des habitants des cités, défrayait l’actualité par la révélation des tweets racistes, antisémites, homophobes et misogynes qu’il publiait sous le pseudonyme de Marcelin Deschamps. Le réalisateur préfère mettre en équation le mystère d’une personnalité trouble, plutôt que de la résoudre.

Pot aux roses

Issu d’une cité d’Ile-de-France, Karim D. vient de publier un premier livre qui rencontre un succès foudroyant tant public que critique. Désormais membre du sérail parisien, il est accusé sur Twitter de distiller sous le pseudonyme d’Arthur Rambo des messages de haine sur le réseau social. Devenu la bête noire du milieu dans lequel il venait d’entrer, de sa compagne, de ses amis, jusqu’à son frère, Karim est confronté à lui-même en tentant de justifier ses propos comme un acte de création politique.

Comme dans L’Emploi du temps, Laurent Cantet explore dans Arthur Rambo une double personnalité. Dans le premier film, Jean-Claude Romand se faisait passer pour un responsable de l’OMS qui finira par assassiner sa femme, ses enfants et parents, une fois le pot aux roses découvert. Dans le second, il montre un homme dont l’image consensuelle est entachée par des propos contradictoires et clivants, à des lieux de ce qu’il représentait. Dans les deux cas, des psychologies labyrinthiques sont prises dans un processus qui les dépasse.

Distanciation puritaine

Laurent Cantet prend son sujet à bras le corps et revendique la part de fiction qu’il insuffle dans son récit. Il ne fait aucunement un biopic, et se démarque de l’histoire vraie tout en en gardant les fondamentaux. La forme documentaire aurait été plus pertinente s’il avait voulu lui être absolument fidèle. C’est la part romanesque contenue dans l’affaire Meklat qui l’intéresse, dans ce qu’elle a de révélateur de la complexité humaine. Le mystère n'est-il pas le moteur de la fiction ?

Le réalisateur se fait observateur, sans jamais tenter une identification à son personnage, avec un regard extérieur presque puritain. Il expose un cas et l’offre au spectateur actif, créateur de sa propre opinion. Les bonnes questions sont celles qui n’ont pas de réponses, mais qui interrogent. Cette distanciation constitue la qualité et la limite du film, qui y gagne en réflexion, tout en y perdant en émotion. Une froideur toute constructive au final, mais qui aurait peut-être pu bénéficier de plus de mordant pour avoir plus d’impact.

L'affiche de "Arthur Rambo" de Laurent Cantet (2022). (MEMENTO FILMS DISTRIBUTION)

La fiche

Genre : Drame
Réalisateur : Laurent Cantet
Acteurs : Rabah Naït Oufella, Antoine Reinartz, Sofian Khammes
Pays : France
Durée : 1h27
Sortie : 2 février 2022
Distributeur : Memento Distribution 

Synopsis : Qui est Karim D. ? Ce jeune écrivain engagé au succès annoncé ou son alias Arthur Rambo qui poste des messages haineux que l’on exhume un jour des réseaux sociaux…

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