Cet article date de plus de dix ans.

"Au fil d'Ariane" : Robert Guédiguian prend la tangente du rêve

Après plusieurs films analytiques sociétaux sur le ton de la chronique marseillaise, un biopic mitterrandien et un rappel de "l’affiche rouge", Robert Guédiguian a décidé de réaliser une "fantaisie", comme le souligne le sous-titre de son "Au fil d’Ariane" (Ascaride, bien sûr). Une belle parabole, où se retrouvent tous ses thèmes entourés de sa famille de comédiens en la cité phocéenne. Ludique.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Ariane Ascaride dans "Au fil d'Ariane" de Robert Guédiguian
 (Jérôme Cabanel)
La note Culturebox
4 / 5                  ★★★★☆

De Robert Guédiguian (France), avec : Ariane Ascaride, Jacques Boudet, Jean-Pierre Darroussin, Anaïs Demoustier - 1h40 - Sortie : 18 juin 2014

Synopsis : C’est le jour de son anniversaire et Ariane est plus seule que jamais dans sa jolie maison. Les bougies sont allumées sur le gâteau. Mais les invités se sont excusés… Ils ne viendront pas. Alors elle prend sa jolie voiture et quitte sa jolie banlieue pour se perdre dans la grande ville…

Dorothy chez Jean Ferra
Avec "Au fil d’Ariane", Robert Guédiguian réalise un film revendiqué onirique. Pas de réalisme dans les situations, le filmage, les dialogues, les personnages… Etonnant de voir le cinéaste faire appel aux images de synthèse dans ses premiers plans. D’emblée : le virtuel. Tout part en vrille dès qu’Ariane s’échappe de chez elle et se retrouve dans un embouteillage où tout le monde se met à danser. Ariane, c’est Alice au pays des merveilles. Plus, c’est Dorothy au pays d’Oz, cette danse renvoyant explicitement à l’accueil que reçoit la jeune texane dans le film de Victor Fleming. L’insistance sur ses très belles chaussures tout le long du film en témoigne. Ici, elles ne sont pas rouges, mais bleues… méditerranée. Normal.

Ariane Ascaride invitée des 5 dernières minutes du 13h de France 2


La suite est sur le même ton, les situations plus improbables les unes que les autres s’enchaînent : un taxi l’emmène où elle veut sans se faire payer, suite au vol de son sac, elle est prise en relai par un jeune motocycliste qui la porte jusque chez un restaurateur accueillant, elle devient serveuse de son établissement fréquenté par des figures exotiques qui peuplent un microcosme non-sensique, jusqu’à une tortue qui parle… On y reconnaîtra des figures toutes sorties de chez Lewis Carol ou Franck L. Baum. Un merveilleux qui fonctionne à merveille, mais où les chansons de chez Disney et du monde d’Oz sont remplacées par du… Jean Ferra que le restaurateur (Gérard Meylan) passe en boucle dans son établissement. Drôle.

Ariane Ascaride et Gérard Meylan dans "Au fil d'Ariane" de Robert Guédiguian
 ( © Jérôme Cabanel )

Chassez le naturel, il revient au galop
"Au fil d’Ariane" vit au rythme des associations qui fomentent le rêve, et le titre lui convient… à merveille. Ce sont les associations enchaînées les unes aux autres d’Ariane qui créent ce récit improbable et que l’on suit émerveillé. Belle idée poétique qui trouve son apothéose avec cet ancien employé du Parc d’histoire naturelle de Marseille, obsédé par la mort des embryons d’animaux qu’il a vu naître et auxquels il veut donner une sépulture. Toute la communauté participera au rituel dans une aventure rocambolesque, au visuel magnifique. On n’en attendait pas tant d’un cinéaste plutôt empreint de réalisme social. Lors de cette séquence déjantée, tout est mise en scène : action, suspense, effets spéciaux… L’on pense à Terry Gilliam !  

Mais chassez le naturel et il revient au galop. Cette solidarité entre tous ces personnages fantasques à toujours habité Guédiguian (et Gilliam !). Il ne fait que l’exprimer d’une autre façon. Très cinématographique, avec des plans et une lumière de toute beauté. Le théâtre n’est toutefois pas loin, dans l’interprétation et la mise en scène, créant une distance accentuée par rapport au réel, d’où le rêve. Il idéalise son récit, ses personnages, ses dialogues, ses situations, puisqu’ils sont rêvés.

Un peu trop peut-être. N’aurait-il pas été préférable de prendre le rêve utopique, plutôt que celui bercé par les bras de Morphée ? Le message serait peut-être allé plus loin. Guédiguian a préféré la référence aux contes ; c’est peut-être la seule faute de ce beau film qui n’en garde pas moins un magnifique message d’espoir en ces tristes temps de solitude…  Joyeux ! 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.