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"Au Nom Du Fils" : film polémique sur la pédophilie des prêtres

Il fallait s'y attendre, avec la montée des associations catholiques intégristes, "Au nom du fils" est menacé d'une sortie limitée, tant les distributeurs sont frileux à le prendre dans leurs salles. Ils craignent en effet des manifestations de représailles contre ce film traitant de la pédophilie dans les milieux ecclésiastiques, sur un ton pince-sans-rire.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Astrid Whettnall dans "Au nom du fils" de Vincent Lannoo
 (Eurozoom)

De Vincent Lannoo (Belgique/France), avec : Astrid Whettnall, Philippe Nahon, Achille Ridolfi - 1h20 - Sortie : 7 mai 2014

Synopsis : Elisabeth est une catholique convaincue. Mère de famille et épouse aimante, elle met sa foi au service des autres en animant sur Radio espoir chrétien une émission de dialogue pour auditeurs en perte de repères. A la demande du diocèse, elle accueille chez elle le Père Achille qui fera dorénavant partie de la famille. Ce qu’elle croit être une vie idyllique va très vite tourner au cauchemar. Son mari meurt d’un accident de chasse lors d’un exercice d’entrainement d’un genre assez particulier et elle découvre que son fils de 14 ans est victime du Père Achille. Confrontée de plein fouet à la réalité de la vie mais surtout au silence et au déni de l’Eglise, elle perd tout sens de la charité chrétienne. Adoptant la loi du Talion, oeil pour oeil, dent pour dent, elle se lance dans une folle croisade vengeresse. Les tontons flingueurs sous le soleil de Satan...

Portion congrue
Sujet douloureux qui fait régulièrement la une, en France comme ailleurs, le réalisateur belge Vincent Lannoo, traite de la pédophilie dans l'Eglise avec un humour noir féroce. A la belge. En effet, dans "Au nom du fils", Elizabeth (Astrid Whettnall) n'y va pas par quatre chemins quand elle découvre que le Père Achille abuse de son fils. Enquêtant sur ce type d'agissements dans la prêtrise, elle établit une liste d'ecclésiastiques et les tue froidement les uns après les autres. Pour venger son fils, et en assumant une loi du Talion contre une instance en laquelle elle avait mis toute sa confiance.

Les associations, telle que Civitas, crient à l'appel au meurtre de prêtres catholiques. Etonnant tout de même de constater des réactions aussi virulentes contre un film dénonciateur de pratiques immorales, alors qu'on entend beaucoup moins ces groupes pour dénoncer les abus incriminés. Craignant des réactions similaires à celles qui avait émaillé la sortie de "La Dernière tentation du Christ" en 1988, où L'Espace Saint-Michel à Paris avait été incendié, faisant un mort, "Au nom du fils" se voit réduit à la portion congrue : trois salles à Paris et une quinzaine d'autres en région.

Philippe Nahon et Achile Ridolfi dans "Au nom du fils" de Vincent Lannoo
 (Eurozoom)

Dans le sillage de "C'est arrivé près de chez vous"
Le film de Vincent Lannoo se réclame ouvertement du pamphlet et a le mérite d'aborder un sujet résolument tabou. "Au nom du fils" évite pourtant toute provocation excessive, mais dénonce clairement l'omerta de l'Eglise sur un sujet qui dérange. Notamment lors de la rencontre entre Elisabeth et l'évêque qui finit par la culpabiliser. A ce stade, l'on ne peut qu'être du côté de cette mère scandalisée, et sa réaction violente suscite l'adhésion dans le cadre de la fiction. Autre point qui fâche : le camp d'entraînement militaire dirigé par un prêtre fanatique, en croisade contre l'expansion de l'Islam. On est pourtant clairement du côté de la caricature et il n'y a pas de quoi fouetter un chat.

Astrid Whettnall est plus que convaincante dans son rôle de mère, catholique convaincue, animatrice d'une émission où elle porte ses valeurs. Ses échanges avec les auditeurs sont par ailleurs croustillants. Philippe Nahon est comme d'habitude parfait, incarnant ici le Père Taon, ami de la famille aux positions pas toujours conformes à celle de sa hiérarchie. Achile Ridolfi qui interprète celui par qui le scandale arrive a remporté de son côté le Magritte du Meilleur espoir masculin en Belgique. "Au nom du fils" se situe dans le sillage d'un "C'est arrivé près de chez vous" et ne mérite pas d'être la cible d'une poignée de réactionnaires qui agitent le goupillon dès que l'on gratte là où ça fait mal.

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