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"Ava", drame lumineux sur une adolescente malvoyante

Premier film de Léa Mysius, "Ava" a remporté à Cannes le Prix de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques de la Semaine de la critique. Comme premier film, c'était un sérieux challenger à la Caméra d’or, finalement revenue à "Jeune femme". Intimiste, s’agissant d’une adolescente apprenant qu’elle perd progressivement la vue, "Ava" est d’un romanesque achevé au visuel resplendissant.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Noée Abita dans "Ava" de Léa Mysius
 (Bac Films)

Surréalisme

En prenant pour thème la cécité, Léa Mysius privilégie l’image. La disparition progressive de la vue chez Ava guide la lumière, les cadres du film. Son quotidien bousculé par l’extraordinaire de la perte de la vue l’oriente vers le surréalisme, au rythme syncopé de rêves, de scènes oniriques articulées comme des collages. Il y a du conte dans ce film à la construction remarquable, à l’action toujours renouvelée.
Raconté du point de vue d’Ava, c’est aussi à une débutante que Léa Mysius confie le rôle, Noée Abita, qui raconte son histoire à la première personne. Elle surprend par sa palette de jeu, passant de la pétulance au drame, au psychologique, à la drôlerie, au thriller, avec comme fil rouge l’amour. Car la cécité n’est pas le sujet du film, mais la vue : profiter de la vue de Juan qu’elle aime, tant qu’il en est encore temps. C’est pourquoi la jeune cinéaste privilégie l’image en lui insufflant tant de style. Ava fait une orgie de visions, synonymes d’émotions, que Léa Mysius traduit en images. Et en musique. Le violoncelle du compositeur colombien Florencia Di Concilio, autant bruitiste que musical, renoue avec l’usage originel de la musique au cinéma.

Lumière noire

Film sur la disparition de la lumière, Léa Mysius la galvanise avec son chef opérateur, débutant lui aussi, Paul Guillaume, dans des gammes diverses, qui suivent la progression de la cécité. Hétérogène, "Ava" n’en est pas moins d’une grande cohérence, preuve du talent de la réalisatrice qui signe aussi un scénario original, non une adaptation. Elle relance l’action régulièrement, jusqu’à un moment crucial, insère des virgules surréalistes dans les rêves, passe par un thriller ethnique (!), pour finir dans un mariage gitan et une mariée sur le bord de la route, ce qui n’est pas sans rappeler Cimino et Kusturica.
Noée Abita dans "Ava" de Léa Mysius
 (Bac Films)
Le premier plan suit un chien sur une plage qui se dirige vers Ava endormie, le plan suivant la montre réclamant un chien à sa mère, dans le troisième, elle apprend sa cécité évolutive. Le film suit une logique associative : le chien-l’aveugle, le chien-l’anima, l’anima-l’amour, l’ombre-la lumière. L’on peine à trouver des scories dans ce film où tout s’enchaîne naturellement en surprenant constamment. Un poil trop long (1h48), peut-être, on ne saurait toutefois où couper, son usage dominant du plan-séquence ne s’y prêtant guère. Sa mère veut offrir à Ava ses plus belles vacances. Elle les passera sans elle. Ava prend la tangente, elle fugue. Le film colle aussi à cette forme musicale, plonge dans l’obscurité de sa cécité naissante dans une lumière joyeuse.  
Laure Calamy, Noée Abita dans "Ava" de Léa Mysius
 (Bac Films)

LA FICHE

Comédie dramatique de Léa Mysius (France) - Avec :  Noée Abita, Laure Calamy, Juan Cano, Tamara Cano, Daouda Diakhate, Baptiste Archimbaud - Durée : 1h45 - Sortie : 21 juin 2017

Synopsis : Ava, 13 ans, est en vacances au bord de l'océan quand elle apprend qu'elle va perdre la vue plus vite que prévu. Sa mère décide de faire comme si de rien n’était pour passer le plus bel été de leur vie. Ava affronte le problème à sa manière. Elle vole un grand chien noir qui appartient à un jeune homme en fuite…


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