Cet article date de plus de deux ans.

Avec "R.M.N.", le réalisateur Cristian Mungiu fait le portrait au vitriol d'une Roumanie xénophobe

Multirécompensé au Festival de Cannes, Cristian Mungiu est reparti bredouille de l’édition 2022 avec un film consacré à l’immigration en Roumanie.

Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Marin Grigore et Judith State dans "R.M.N" de Cristian Mungiu (2022). (MOBRA FILMS)

Trois fois récompensé à Cannes, avec une Palme d’or pour 4 mois, 3 semaines, 12 jours en 2007, Cristian Mungiu poursuit son analyse de la société roumaine avec R.M.N. qui sort en salles mercredi 19 octobre. Le cinéaste est quelque peu en deçà des attentes en raison d’un manque d’équilibre entre la chronique d’un village roumain pris dans un hiver rigoureux, et la dénonciation de la xénophobie qui y sévit.

Imagerie médicale

Mathias revient d’Allemagne dans son petit village roumain, après avoir fui son travail, suite à une rixe dans son entreprise. Il retrouve son fils perturbé par une vision obsessionnelle, sa compagne qui s’en occupe, son père malade, et son ancienne maîtresse. Quand la boulangerie industrielle locale recrute des étrangers, la population lance une pétition pour les renvoyer chez eux. L’apparente paix civile entre communautés roumaine, hongroise et allemande du village s’en trouve brisée.

Dans tous ses films, Cristian Mungiu explore la société roumaine. Après l’avortement, les années Ceaușescu, la religion et l’éducation, il s’attaque aujourd’hui à la xénophobie qui gangrène le pays suite à la vague migratoire de ces dernières années. Le titre R.M.N. (I. R. M. en roumain) désigne l'imagerie médicale du cerveau du père de Mathias qu'il consulte régulièrement sur son portable. Cette représentation d'un cerveau dégénérescent pourrait renvoyer au logiciel roumain déréglé. Mais l'acronyme du titre fait aussi penser à celui de la Roumanie, comme sur une plaque minéralogique. Il évoquerait alors une Roumanie globale, à travers le cas particulier de ce village roumain. Le bilan n’est pas glorieux.

Déséquilibre

Commençant sur la mystérieuse vision d’un enfant effrayé dans la forêt, R.M.N. suit ensuite Mathias qui retrouve son monde et surtout son fils auquel il veut se consacrer. Mais il est embarrassé par la mère du petit, sa compagne, alors qu’il lui préfère une ex-maîtresse. Le film s’enlise quelque peu dans la chronique de ce village enneigé, traversé d’anecdotes successives anodines dont il ressort une dramaturgie assez pauvre. Pourquoi pas ? Mais l’on se demande où Mungiu veut en venir avec ce collier de perles, aux épisodes répétitifs. Jusqu’à ce que le sujet de fond émerge enfin : l’opposition radicale de la population à la présence de trois étrangers dans le village.

C’est la partie la plus intéressante du film, avec une scène de réunion municipale remarquable, jouée par des acteurs non professionnels qui improvisent leur texte. Mais quel déséquilibre dans la construction et le rythme du film. La scène finale, avec des acteurs grimés en ours est assez ridicule, et donne le coup de grâce à ce qui s’avère le moins bon film d’un cinéaste par ailleurs passionnant.

L'affiche de "R.M.N" de Cristian Mungiu (2022). (LE PACTE)
La fiche

Genre : Drame
Réalisateur : Cristian Mungiu
Acteurs : Marin Grigore, Judith State, Macrina Bârlădeanu 
Pays : Roumanie / France / Belgique
Durée : 2h05
Sortie : 19 octobre 2022
Distributeur : Le Pacte

Synopsis : Quelques jours avant Noël, Matthias est de retour dans son village natal, multiethnique, de Transylvanie, après avoir quitté son emploi en Allemagne. Il s’inquiète pour son fils, Rudi, qui grandit sans lui, pour son père, Otto, resté seul et il souhaite revoir Csilla, son ex-petite amie. Il tente de s'impliquer davantage dans l'éducation du garçon qui est resté trop longtemps à la charge de sa mère, Ana, et veut l’aider à surpasser ses angoisses irrationnelles. Quand l’usine que Csilla dirige décide de recruter des employés étrangers, la paix de la petite communauté est troublée, les angoisses gagnent aussi les adultes. Les frustrations, les conflits et les passions refont surface, brisant le semblant de paix dans la communauté.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.