Avec "Rheingold", le réalisateur Fatih Akin signe un biopic déjanté sur une superstar du rap allemand
Il s’appelle L’or du Rhin (Rheingold) et il y est effectivement question d'un braquage spectaculaire de 250 kg de métal jaune, mais c’est surtout un sujet en or auquel s’attaque Fatih Akin dans son dernier film, en salles le 28 juin. Le réalisateur allemand d’origine turque raconte en effet une incroyable histoire vraie, celle de Giwar Hajabi, un réfugié kurde né en Iran il y a 41 ans et devenu une superstar du rap allemand sous le nom de Xatar après une vie de voyou.
Son parcours tumultueux, qui l’a mené d’un camp de réfugiés durant la guerre Iran-Irak à l’exil en Europe, et de la violence de rue au grand banditisme et jusqu’à la prison, avant une ascension éclair dans le rap, Giwar Hajabi l’a raconté dans une autobiographie bestseller parue en 2015. C’est ce livre qu’a adapté Fatih Akin pour son nouveau film, dont il signe aussi le scénario. Point besoin de connaître les chansons de Xatar pour apprécier cette étourdissante odyssée, d’autant plus convaincante que le rappeur veillait au grain en permanence sur le plateau.
Du drame politique au film de gangsters, "Rheingold" multiplie les genres
Après le controversé Golden Glove (2019) un genre de biopic lui aussi mais sur un tueur en série, critiqué pour ses scènes de violence insoutenables, le réalisateur allemand (Soul Kitchen, The Cut, In The Fade) revient avec Rheingold à un cinéma plus consensuel. Mais, plutôt que de s’en tenir à une mise en scène classique pour dérouler ce récit haut en couleurs et riche en péripéties, Fatih Akin s’amuse à épouser les rebondissements de cette folle destinée en télescopant les genres.
Débuté sur les chapeaux de roues par un clin d’œil aux films de série B des années 70, le film passe ainsi du drame socio-politique au thriller, de la comédie au film de gangsters et du tragique au burlesque sans jamais perdre son rythme trépidant ni égarer le spectateur. De gamin chétif et vulnérable à malabar capable de mettre K.O. en un clin d’œil une grappe de petites frappes, et de vendeur de copies de vidéos porno au collège à gros bonnet du deal de cocaïne, Giwar le survivant gravit les échelons du crime et devient le redoutable Xatar ("le dangereux" en kurde). Puis c’est le braquage de trop, la prison, et la rédemption par le rap, Xatar devenant aussi producteur et patron d'un label musical.
Le prometteur Emilio Sakraya explose à l'écran
S’il s’attarde sur les jeunes années de son héros, avec plusieurs comédiens selon les âges, l’acteur Emilio Sakraya, qui incarne Giwar adulte, porte l’essentiel du film sur ses épaules. Avec un jeu plutôt sobre et retenu, ce jeune acteur qui rappelle De Niro dans Taxi Driver, explose à l’écran et campe un Xatar charismatique et attachant. Avec une réserve cependant : bien qu’il ait pris 16 kg pour égaler l’envergure du véritable Giwar/Xatar, il reste bien plus joli garçon que l’original, ce qui nuit parfois à la crédibilité du personnage.
La bande son, dense en rap et en R&B, ajoute encore du nerf à ce Rheingold, un titre ironique, clin d’œil au célèbre opéra de Richard Wagner. La musique est bien entendu signée Xatar, qui a aussi glissé à bon escient des compositions classiques de son père Eghbal Hajabi, musicien kurde banni d’Iran avec toute sa communauté par Khomeiny à la fin des années 70. Réalisé dans des conditions difficiles durant la crise sanitaire, Rheingold n’est peut-être pas le meilleur long-métrage de Fatih Akin mais il pourrait bien devenir son film le plus populaire. Outre-Rhin, où il est sorti en octobre 2022, il a fait un carton.
>> Lire notre entretien avec Fatih Akin au sujet de Rheingold
La fiche
Genre : biopic, musical, drame
Réalisateur : Fatih Akin
Pays : Allemagne
Durée : 2h18
Sortie : 28 juin 2023
Distributeur : Pathé
Synopsis : L’incroyable ascension de Giwar Hajabi, jeune immigré kurdo-iranien, ancien criminel et trafiquant de drogue devenu Xatar, star et légende du rap allemand.
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