"Bambi ", quand un petit garçon d'Algérie devient une femme d'exception
La silhouette élégante, cheveux blonds tirant sur le blanc et sourire gracieux, Marie-Pierre Pruvot a aujourd'hui 77 ans. "C'est un étonnement et une grande satisfaction", racontait-elle au Festival de Berlin, où elle était venue en février le documentaire sur sa vie réalisé par Sébastien Lifshitz ("Les Invisibles", "Plein sud", "Wild Side") . "Je n'ai jamais pensé que cela pouvait intéresser qui que ce soit et tout d'un coup, depuis quelques années, on se tourne vers moi et voilà que j'intéresse les gens". "On aurait retrouvé en Sibérie une défense de mammouth intacte, on la regarderait avec les mêmes yeux que moi. Ca m'amuse, ça distrait énormément ma retraite et ça flatte mon ego", dit-elle en riant.
Itinéraire d'une transexuelle courageuse
Sa vie a des allures d'épopée improbable, depuis le petit village d'Algérie française, Les Issers où, encore petit garçon, elle essayait des robes au plus grand désarroi de sa famille, jusqu'à sa carrière de professeur de l'Education nationale, en passant par ses années de gloire au cabaret "Le Carrousel". "Ce que je trouve magnifique, c'est la puissance romanesque de ce récit", s'émerveille le réalisateur.
Reportage : JN.Mirande, N.Thouny
Les bonheurs de Bambi
Alors que les transsexuelles sont décrites dans les années 50 (comme le montre une archive insérée dans le film), au mieux comme des phénomènes de foire, au pire comme l'incarnation de la dépravation, Marie-Pierre Pruvot raconte d'une voix douce et presque enjouée, parfois nostalgique, les amitiés, la liberté de ces années-là. "Quand je suis arrivée à Paris, que j'ai eu mes robes, que je me suis maquillée pour la scène... j'ai commencé à vivre, j'ai senti une liberté énorme. J'avais passé ma vie enfermée dans ma chambre à lire", dit-elle. Malgré les épreuves et les souffrances que l'on devine, tout prend des allures d'évidence. "On a l'impression que tout s'est fait simplement, avec cette élégance de ne jamais appuyer sur les difficultés pour ne jamais donner le sentiment qu'elle a été une victime alors que je pense que ça n'a pas dû être simple", affirme le réalisateur. Pour incarner son récit, il s'est appuyé sur plusieurs heures d'images, tournées par "Bambi " elle-même, avec une caméra super 8 achetée dès son arrivée à Paris. "J'avais cette conviction que le matériau que j'avais, à la fois à travers les films super 8 et le récit de vie de Bambi, et puis elle, par sa seule présence, méritaient qu'un film existe", explique-t-il. "J'ai appris deux choses", conclut-il, "la ténacité, la détermination : on ne lâche jamais rien, à n'importe quel prix, et en même temps, l'élégance de ne jamais le montrer. L'articulation des deux est quand même pas mal".
Bambi était l'invitée de Jean-Noël Mirande sur le plateau du 19/20 de France 3 Paris-Ile-de-France le samedi 20 juillet 2013 :
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