"Black Coal" : sino-polar atmosphérique déroutant
4 / 5 ★★★★☆
De Yi'nan Diao (Chine), ,avec Fan Liao, Lun-mei Gwei, Xue-bing Wang, Xue-bing Wang - 1h46 - Sortie : 11 juin 2014
Synopsis : En 1999, un employé d’une carrière minière est assassiné et son corps dispersé aux quatre coins de la Mandchourie. L’inspecteur Zhang mène l’enquête, mais doit rapidement abandonner après avoir été blessé lors de l’interpellation des principaux suspects.Cinq ans plus tard, deux nouveaux meurtres sont commis dans la région, tous deux liés à l’épouse de la première victime. Devenu agent de sécurité, Zhang décide de reprendre du service. Son enquête l’amène à se rapprocher dangereusement de la mystérieuse jeune femme.
Contrastes
Dès son ouverture remarquable, où l'on suit le trajet d'un énigmatique paquet au milieu de tas de charbon, le mystère s'instaure. Diao Yinan installe en même temps un filmage non conventionnel qui ne quittera plus le récit. Si le scénario, également signé du réalisateur, est d'une qualité rare pour un film de genre, la mise en scène et en images participent grandement de l'envoûtement que procure cette étrange affaire de meurtres à tiroirs…
Etonnamment, l'affiche du film (photo en tête de cet article) ne renvoie à aucune scène, mais en traduit bien l'atmosphère. Tout est contraste dans "Black Coal", non pas tant dans le graphisme des plans, mais d'une scène à l'autre. Une première serait ainsi atonale, comme ces paysages neigeux qui parcourent le film, la suivante se parant de couleurs accentuées, comme lors de l'incroyable scène d'arrestation dans le salon de coiffure. Ainsi "Black Coal" est imprégné d'une étrange atmosphère, une texture unique qui recoupe une intrigue déroutante, dans un pays, lui-même contrasté.
Métaphores
L'ambiance très noire du film émane également des décors. Aucun appartement n'est filmé, la grande majorité des scènes se déroulent en extérieur, souvent de nuit, avec des éclairages glauques, les intérieurs étant tous situés dans des espaces publics. Faut-il y voir la métaphore de l'absence d'espace privée en Chine ? Sans doute. Tout comme le désenchantement des personnages se reflète dans des paysages urbains chaotiques, des friches industrielles, des rues désertes et sales aux bâtisses lépreuses. Une sexualité frustre et brutale, machiste, pratiquée au grand jour, souvent empêchée, est aussi au centre de "Black Coal".
On est loin de la vitrine ultramoderne et colorée de Shanghai. Les nombreuses filatures ("arrêtez de me suivre" est répété par trois fois), qui ponctuent le film, semblent traduire une constante surveillance des autorités sur les individus. D'autant qu'elles s'effectuent sans discrétion aucune. Ces convergences scénaristiques et formelles flirtent avec le fantastique. Il éclate lors du feu d'artifice final en plein jour, tiré d'une tour en construction, pour clore le film sur une fin ouverte. Un mystère de plus, laissé à la sagacité du spectateur qui y projettera plus d'une spéculation. "Black Coal" s'avère un film gigogne, à plusieurs niveaux de lecture, passionnant.
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