Cannes 2016. "Mademoiselle", l’érotisme selon Park Chan-wook
Park Chan-wook est un virtuose. De ceux qui parviennent avec brio à sublimer la cruauté, le sadisme. Qui les esthétisent avec une beauté sans égale. L’un des apôtres de l’ultra-violence, pure, brutale et sanglante a décidé avec ce "Mademoiselle", de poursuivre dans sa veine, en y ajoutant quelques ingrédients qu’il gardait, jusque-là, secret.
Enivrant
Un érotisme enivrant et un regard acerbe sur une période sensible de l’histoire de son pays. La Corée des années 30, pendant la colonisation japonaise, en se concentrant sur une toute jeune femme, Sookee (Kim Tae-ri), engagée comme servante d’une riche japonaise, Hideko (Kim Min-Hee), vivant recluse dans un majestueux et inquiétant manoir sous la coupe d’un oncle tyrannique. Mais Sookee n’est certainement pas une femme de chambre habituelle. Un escroc, prétendument comte (Jung-woo Ha) a d’autres plans pour elle. Pour lui. D’ailleurs Hideko non plus, n’est sans doute pas qu’une bien heureuse ingénue. Dans ce triangle sensuel et captivant, lequel s’amuse de l’autre ?C’est la troisième fois que le cinéaste sud-coréen, qui avait frôlé la Palme d’or en 2004 pour son percutant "Old Boy" contant l’histoire d’un père de famille sans histoire et de la traque ahurissante qu’il mènera pour retrouver les meurtriers de sa femme, voit un ses films présentés en compétition officielle. Il était reparti, cette année-là, avec le Grand prix du Festival. Et on imagine bien toute l’influence que Tarantino, alors président du jury, avait pu avoir sur cette décision. Toute l’influence de Tarantino sur le cinéma de Chan-wook. Sans le raffinement et cette infinie stylisation propres au second.
Comme il le prouvera encore avec "Thirst", film de vampires inspiré du "Thérèse Raquin" d’Émile Zola, reparti avec le Prix du jury. Oui, Chan-wook est capable de toutes les excentricités. Pour le pire quelque fois comme avec ce "Je suis un cyborg" (2007) dont on attend encore qu’on nous explique le sens, mais souvent pour le meilleur.
Apaisé
On découvre, avec ce "Mademoiselle", un Chan-wook différent. Presque apaisé, à rebours de ce qu’il avait pu nous montrer jusque-là. Mais un Chan-wook peut-être malheureusement un peu trop apaisé. Trop sage.La mise en scène en scène chirurgicale, les cadrages et la photgraphie magnifiques ou les mouvements de caméra magistraux sont encore bien là. Rarement scène de sexe n’aura été si raffinée. Et Chan-wook de nous livrer sans doute le plus beau 69 de l’histoire du cinéma. Le suspense d’inspiration hitchcockienne comme pour sa précédente réalisation, "Stoker", est lui assi efficace.
Mais si les retournements de situation surprennent lorsque le film bascule dans sa deuxième partie, Chan-wook se révèle beaucoup trop démonstratif. Même, son esthétisme prend parfois le pas sur l’intrigue et on en vient à douter de l’utilité de certains plans, certes sublimes, mais d’une longueur accablante.
Il n’empêche, et s’il ne livre sans doute pas là sa meilleure réalisation, Park Chan-wook parvient malgré tout à nous embarquer dans un thriller jouissif, où le romantique le dispute, peut-être trop, à la violence et à l’ivresse charnelle.
LA FICHE
Film de Park Chan-wook - Avec Kim Min-Hee, Kim Tae-ri et Jung-woo Ha - Sortie le 5 octobre 2016. Durée : 2h25.
Synopsis : Corée. Années 30, pendant la colonisation japonaise. Une jeune femme (Sookee) est engagée comme servante d’une riche japonaise (Hideko), vit dans un immense manoir avec son oncle tyrannique. Mais Sookee a un secret. Avec l’aide d’un escroc se faisant passer pour un comte japonais, ils ont d’autres plans pour Hideko…
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