"Chained" et "Beloved" : un diptyque israélien bouleversant sur les relations hommes-femmes
Une famille recomposée à la dérive, un flic zélé accusé d'attouchements, une femme dans le doute, une ado en rébellion… : tous les ingrédients d’une étude de couple hyperréaliste à voir sur les écrans à partir du 15 juillet.
Réalisé sur un scénario réécrit au quotidien, avec un tournage étendu sur une année, et des acteurs aux performances époustouflantes, Chained et Beloved étonnent par leur puissance dramatique. Le jeune cinéaste israélien Yaron Shani, coréalisateur de Ajami - récompensé d’une Caméra d’or (mention spéciale) à Cannes en 2009 -, confirme un talent hors pair.
Les deux faces d’un tout
Rashi, policier consciencieux de Tel Aviv obnubilé par la protection des mineurs, a épousé Avigail et a reconnu sa fille de 13 ans. Quand il est accusé d’avoir commis une fouille "trop rapprochée" de deux jeunes, il est suspendu de ses fonctions. Son attitude autoritaire sur sa fille commence à faire douter son épouse de l’amour qu’elle lui porte. Elle prend le large et trouve le réconfort auprès d’un groupe de femmes en qui elle trouve affection. Mais tout n’est pas non plus tout rose entre elles…
Le contexte policier de Chained (enchaîné) lui a valu le prix Sang neuf qui récompense un premier film au festival de polar de Baune. Une révélation qui a distingué une intrigue extrêmement riche, où un flic est remis en cause, en même temps que dans son couple et son rôle de père. Dans Beloved (Bien-aimé) ce même contexte est vu par les yeux de sa femme, le film expliquant son attitude face à son mari. Si l’un et l’autre film sont visibles séparément, c’est ensemble qu’ils constituent un tout.
Au croisement de Pialat et d’Antonioni
Yaron Shani adopte un style qui joue de la forme documentaire. Toutefois, le choix du format scope (écran large), et le soin porté au cadre et à la lumière, sont à des lieux des habituelles caméras portées et salissures de l’image trop souvent usitées. Mais là où le film suscite le plus l’adhésion, c’est dans l’écriture d’un scénario, réécrit au jour le jour, où s’imbriquent des sentiments contradictoires et subtiles, exposés avec profondeur et sensibilité.
Le mode opératoire et l’interprétation placent ce diptyque dans la droite ligne d’un Maurice Pialat. Une étude de mœurs, certes, mais dont les tenants et aboutissants flirteraient avec une métaphysique du couple, dont les enjeux se heurtent à un ailleurs qui le dépasse, un absolu inatteignable.
Cette histoire narrée dans un premier temps par l’homme, et dans un deuxième par la femme, témoignent d'une volonté de se trouver, mais comme deux mouches des deux côtés d’une vitre infranchissable. De ce point de vu, Antonioni (L’Avventura, La Notte) n'est pas loin, sur un mode très contemporain. Ce qui fait de ces deux films une grande et belle surprise qui donne envie de retourner au cinéma.
La fiche
Genre : Drame
Réalisateur : Yaron Shani
Acteurs : Eran Naim, Stav Almagor, Stav Patai, Ori Shani, Asher Ayalon, Leah Tonic
Pays : Israël
Durée : Chained 1h52 + Beloved 1h48
Sortie : 8 et 15 juillet 2020
Distributeur : Art House
Synopsis : Chained : Flic consciencieux et expérimenté, Rashi est en couple avec Avigail dont il attend un enfant. Le jour où, à la suite d’une enquête interne de la police de Tel-Aviv, il se trouve brutalement mis à pied, il réalise que sa femme lui échappe de plus en plus… Saura-t-il réagir avant que son monde ne s'effondre ?
Beloved : Infirmière dévouée dans un hôpital de Tel-Aviv, Avigail mène une existence effacée entre sa fille adolescente et son mari Rashi. Le jour où ce dernier est ébranlé dans sa vie professionnelle, la fragilité de son couple lui apparaît brutalement. Elle réalise n’être plus vraiment maitresse de ses choix de vie. Saura-t-elle se reconnecter à elle-même ?
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