"Club Zéro", la savoureuse et tragique chronique d'un endoctrinement pour la cause écologique
Le film de Jessica Hausner s’ouvre sur une mise en garde contre les désordres alimentaires qu'il évoque. Club Zéro est une proposition dérangeante sur une thématique qui préoccupe désormais tout le monde ou presque, la protection de l'environnement. Dans son dernier long métrage, la réalisatrice l'associe à l'alimentation, la jeunesse et l'éducation.
Miss Novak, campée par une hallucinante Mia Wasikowska, débarque dans un lycée privé pour enseigner l'"alimentation consciente". Sa méthode prône, par exemple, de respirer avant de manger une tablette de chocolat. Prendre ainsi conscience de son alimentation serait, selon elle, un moyen de participer à la protection de l'environnement. Comme le montre la première scène du film, les jeunes qui s'inscrivent dans son cours ont des motivations diverses. Mais peu à peu, sous l'influence de leur enseignante, leur rapport à la nourriture va se radicaliser, sous les yeux des parents des lycéens. Deux d’entre eux sont interprétés par Elsa Zylberstein et Mathieu Demy. Sans éveiller la méfiance de la responsable de l'établissement d'excellence, incarnée par la Danoise Sidse Babett Knudsen affublée d'une garde-robe assez baroque, Miss Novak emmène ses adeptes aux portes de l'étrange Club Zéro, au régime drastique.
Un gourou dans leurs assiettes
Après Little Joe, Jessica Hausner démontre de nouveau sa capacité à mettre en image l'emprise, qu'elle soit d'origine végétale – c'était le cas dans son précédent film – ou humaine. D'abord, par le biais de l'organisation de l'espace, Miss Novak et ses élèves évoluent dans des décors parfaitement ordonnés et aseptisés qui transmettent un sentiment de vacuité, aussi bien dans le lycée que dans les domiciles de leurs majoritaires riches parents.
Ensuite, les salles à manger, lieu de l'exercice de l'alimentation consciente enseignée par Miss Novak, sont prépondérantes. L'aspect appétissant des mets que l'on y retrouve, contraste avec la façon dont les nouveaux adeptes de la méthode les accueillent, à savoir le plus souvent avec indifférence ou dégoût. Les contrastes se retrouvent d'ailleurs à d'autres niveaux. Par exemple, quand les dialogues déclenchent l'hilarité générale pour mieux replonger l'audience dans la spirale du drame auquel elle assiste. Tout comme la palette chatoyante du film contraste avec la noirceur du récit : le rouge et le vert, que l'on retrouve souvent dans les décors de Jessica Hausner, viennent ici s'ajouter à l'univers jaune et violet des uniformes des élèves.
Nourris par une liberté illusoire
Enfin, l'intrigue puise sa force dans la bulle léthargique dans laquelle les enfants et les parents évoluent pour des raisons tout à fait différentes. Chez les lycéens, elle rend compte de leur niveau d’adhésion aux théories de Mme Novak et de leur envie de résister aux diktats de la société de consommation. Quant aux parents, leur passivité est le reflet de leur impuissance à trouver la solution idoine au problème qui se pose désormais à eux. D'autant que pour certains de cette bande d'adolescents, l'endoctrinement dont ils sont victimes trouve un terreau plus que favorable dans un mal-être préexistant. Fred est négligé par ses parents qui ne jurent que par leur projet personnel au Ghana, Elsa est anorexique – un héritage familial semble-t-il – et Ragna est complexée par son apparence physique.
La bande originale de Club Zéro joue peut-être un peu trop la carte du drame pour accompagner cette dérive sectaire. Néanmoins, ce choix renforce son propos qui interroge sur la capacité des adultes, parents et corps enseignant, à intervenir pour protéger des enfants dans une situation où tous les signaux sont au rouge . A une époque où les jeunes subissent des influences de toutes sortes et où leurs engagements sont souvent entiers, voire quelque peu radicaux, Club Zéro sonne comme un appel à la vigilance. Jessica Hausner signe un film percutant qui retourne l'estomac, au propre comme au figuré, de par le sujet qu'il aborde et ses choix de mise en scène radicaux.
La fiche
Genre : drame
Réalisateur : Jessica Hausner
Acteurs : Mia Wasikowska, Sidse Babett Knudsen, Amir El-Masry, Elsa Zylberstein, Mathieu Demy, Ksenia Devriendt, Luke Barker, Florence Baker, Samuel D Anderson, Gwen Currant
Pays : Autriche, Royaume-Uni, Allemagne, France, Danemark
Durée : 1h50
Sortie : 27 septembret 2023
Distributeur : BAC Films
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