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"Comme une louve" : le combat d'une jeune mère précaire à qui l'on a retiré ses enfants

Avec ce premier long-métrage pour le cinéma, la documentariste Caroline Glorion met en lumière avec la force de la fiction la question du placement des enfants retirés à leurs familles pour des raisons économiques.
Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
"Comme une louve" de Caroline Glorion, sortie le 20 septembre 2023 (CECILE MELLA)

Premier long-métrage de fiction de la documentariste Caroline Glorion, Comme une louve raconte le calvaire et le combat d'une jeune femme à qui les services sociaux ont retiré la garde de ses trois enfants parce qu'elle est dans une situation précaire. Le film sort le 20 septembre dans les salles.

Lili, 26 ans, serveuse dans un bar à Marseille, élève seule ses trois enfants. Après un épisode de violence avec le père des deux derniers, elle se réfugie dans un foyer d'accueil. Son objectif : retrouver rapidement un domicile pour elle et pour ses enfants. Mais sa demande de logement social n'avance pas, faute de fiches de paie que son patron rechigne à lui fournir. La direction du foyer désigne une assistante sociale, Elodie Piat (Sandrine Bonnaire), pour la suivre, estimant qu'elle n'assure pas correctement l'éducation de ses trois enfants.

Le courant passe mal. Lili a toujours été dans la galère, mais elle met un point d'honneur à s'en sortir seule, à protéger elle-même ses enfants, avec qui elle a le sentiment de vivre en parfaite complicité. Elle ne veut pas de cette "aide" qu'on lui propose. Tout ce qu'elle souhaite, c'est un endroit pour vivre en sécurité avec ses enfants.

Pour échapper aux services sociaux, qu'elle appelle des "voleurs d'enfants", la jeune femme s'enfuit du foyer. Sans travail, sans logement, elle se voit arracher ses enfants au petit matin, en pleine rue, devant l'école, au motif de "carences éducatives" et de "suspicion de maltraitance".

"Seule et pauvre"

Le film a été soutenu financièrement par plusieurs associations et fondations comme le Secours catholique ou les Apprentis d'Auteuil. La réalisatrice, aguerrie au format documentaire, a choisi cette fois la fiction et "une histoire romanesque, bien que largement inspirée de faits réels", pour mieux "bousculer et renverser les préjugés".

Sans être totalement à charge contre les services sociaux, que l'on sent débordés par des situations complexes, Comme une louve se positionne cependant clairement du côté de la jeune femme pauvre, victime des incohérences d'un système privilégiant le placement plutôt qu'une aide aux familles précaires. "Pourquoi le fric que vous donnez à la famille d'accueil pour s'occuper de mes enfants, vous ne me le donnez pas à moi ?", interroge Lili. Car même si elle est à fleur de peau, qu'elle n'a pas les bons "codes", Lili prend grand soin de ses enfants et considère qu'elle leur offre toute l'affection dont ils ont besoin. Son seul crime, comme le dit son atypique avocate, "est d'être seule et pauvre".

"Comme une louve" de Caroline Glorion, sortie le 20 septembre 2023 (ALBA FILMS)

Sans pathos et loin des stéréotypes, la caméra capte à la manière d'un documentaire les différents épisodes de cette tranche de vie, les petits moments du quotidien, ceux que Lili partage avec ses enfants, ou avec ses amies, qui sonnent avec un grand naturel. Elle saisit aussi à travers les scènes clés (dans le bureau du juge, dans les espaces de rencontre sous surveillance de la mère avec ses enfants) les rigidités et les limites d'une administration figée dans des principes, là où chaque situation est pourtant singulière.

Deux grandes actrices

Le film est porté par les deux comédiennes qui composent ce duo de personnages antagonistes. D'un côté, Lili, jeune femme sanguine, souvent débordée par ses émotions, magnifiquement interprétée par Mathilde La Musse. De l'autre, Sandrine Bonnaire, très juste dans un rôle à contre-emploi dans la peau d'Elodie Piat, l'assistante sociale intransigeante et froide, voire antipathique, qui suit Lili, et qui finit par se révéler un peu plus à l'écoute au fil du temps.

Sandrine Bonnaire et Mathilde La Musse dans "Comme une louve", de Caroline Glorion, sortie le 20 septembre 2023. (ALBA FILMS)

Les personnages secondaires ne sont pas en reste. Le film met en scène une belle troupe d'acteurs et d'actrices pour incarner l'entourage de la maman : Marilyne, la copine de foyer (Laurence Côte), Nora, l'amie de toujours (Naidra Ayadi), et les enfants, confondants de naturel. Sans oublier les membres de l'administration, le juge (François Morel) et surtout maître Clerc, Sarah Suco formidable dans le rôle de l'avocate décalée de Lili. Plus familière d'une clientèle fortunée, la juriste parvient, avec son caractère entier et une franchise qui fait mouche, à amener doucement mais sûrement la jeune mère à accepter les "bonnes postures" attendues par la société pour récupérer ses enfants.

Film social fort et engagé, Comme une louve est aussi un hymne à l'amour maternel, vital, dont la force se mesure ici autant dans l'affection que Lili porte à ses enfants qu'à travers celui dont elle a manqué, comme d'autres personnages "abîmés" de cette édifiante histoire.

Affiche du film "Comme une louve", de Caroline Glorion, sortie le 20 septembre 2023 (ALBA FILMS)

La Fiche

Genre : Drame
Réalisateur : Caroline Glorion
Acteurs : Mathilde La Musse, Sandrine Bonnaire, Sarah Suco, Laurence Côte, Arthur Igual, Naidra Ayadi, François Morel, Aydan Hullmann
Pays : France
Durée : 
1h38 min
Sortie : 
2023
Distributeur : 
Alba Films

Synopsis : Lili, 26 ans, précaire, élève seule ses trois enfants. Accusée à tort de mauvais traitements, les services sociaux les lui arrachent. Elle s'effondre mais, très vite, entourée de femmes solides et d’un amour naissant, Lili se lance dans une bataille décisive pour reconstruire sa famille.

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