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"Contes Italiens" : les frères Taviani adaptent Boccaccio
Ce n'est pas la première fois que Boccaccio (ou Boccace en France) est adapté à l'écran. On se souvient du "Décameron" de Pasolini, premier film de sa "Trilogie de la vie", que le cinéaste a par la suite reniée. Les frères Taviani puisent à la même source, mais avec une autre optique, laissant de côté la paillardise du premier pour favoriser une beauté évanescente.
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Temps de lecture : 3min
La note Culturebox
4 / 5 ★★★★☆
4 / 5 ★★★★☆
Ténèbres et lumière
Vitorio et Paolo Taviani se font plus rares depuis quelques années, même s'ils tournent régulièrement, mais plus au même rythme que dans les années 70-90. C'est un immense plaisir de les voir de retour avec ces versions de cinq contes de Boccaccio (1313-1375) adaptées du "Décéméron", un sujet à leur hauteur. Cinq contes d'une grande délicatesse, plus intrigants les uns que les autres, avec notamment celui du faucon qui clôt l'ensemble sur une note à la fois tragique et libératrice.Le premier plan est sidérant. Au XIVe siècle un homme se jette d'une tour de Florence en proie à la peste. L'évocation de l'épidémie est quant à elle du plus grand réalisme et traduit toute l'horreur d'une telle plaie. C'est dans ce contexte que dix jeunes gens décident de quitter la ville, pour rejoindre une belle propriété de la Toscane environnante, pour échapper à la maladie. Les paysages idylliques, à la lumière solaire, font suite aux rues jonchés de cadavres et aux enterrements succins dans les fosses communes. Un hymne à la jeunesse, frappée par les contingences et prête à relever le défi d'une vie meilleure. On ne va tout de même pas reprocher aux Taviani ce discours positif, dans un contexte morose.
Préraphaélite
Dans ce paradis enchanteur, sept jeunes femmes et trois jeunes hommes décident d'inventer des contes autour de l'amour pour passer le temps. Le retour à la nature et l'imagination vont de pair. Si "Contes italiens" s'ouvre sur la mort, il se poursuit avec une vitalité de tous les instants. Des moments arrachés au temps. Les femmes sont au centre de ces intrigues, comme si les Taviani donnaient leur vision de l'amour, extrêmement positive et porteuse d'espoir, toute matricielle. On n'est pas pour autant dans une évocation de l'amour courtois, chaque conte flirtant avec un fantastique discret et poétique, non sans une touche de cruauté, mais d'humour aussi.La mise en images de ces "Contes italiens" est de toute beauté et dépayse des évocations urbaines qui dominent le cinéma contemporain. La fabrication du pain dans un acte de communion constitue une très belle scène. Les "parties de campagne" évoquent quelque tableau du peintre préraphaélite Edouard Burne Jones (1833-1898), avec les longues robes serrées à la taille, la proximité de l'eau évoquant "Le miroir de Vénus" de l'artiste. Des références en phase avec l'époque du film, même si un léger décalage demeure. Les Préraphaélites se référaient dans leurs œuvres à la première renaissance (Giotto, Fra Angelico, Paolo Uccello…) et au moyen-âge. Un film merveilleux qui nous éloigne des pressions contemporaines : un peu de soleil dans l'eau froide.
Contes italiens
De Vittorio Taviani et Paolo Taviani (Italie), avec : Riccardo Scamarcio, Kim Rossi Stuart, Jasmine Trinca, Rosabell Laurenti Sellers, Lello Arena - 1h55 - Sortie : 10 juin 2015
Synopsis : Florence, XIVe siècle : la peste fait rage. Dix jeunes gens fuient la ville pour se réfugier dans une villa à la campagne et parler du sentiment le plus élevé qui existe, l'amour, dans toutes ses nuances. Tour à tour, ils racontent des contes édifiants.
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