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"Corps étranger", film onirique et tendu sur une migrante en France

Société, politique et mœurs fondent le cinéma de Raja Amari : "Satin rouge", "Les Secrets", "Printemps étranger". Avec "Corps étranger", la réalisatrice tunisienne mêle la question des flux migratoires, les dérives djihadiste et un trio amoureux. Cela pourrait faire beaucoup. Le talent de la cinéaste parvient à rassembler les trois thèmes avec sobriété, onirisme et de beaux comédiens.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Salim Kachiouche et Hiam Abbass dans "Corps étranger" de Rja Amari
 (Happiness Distribution)

Madame rêve

Raja Amari ouvre "Corps étranger" sur une scène de naufrage suggérée avec une sophistication très esthétique. La suite traite de l’insertion en France d’une tunisienne, survivante du drame. Samia (Sara Hanachi) trouve du boulot grâce à un migrant qui a "réussi" (Salim Kechiouche) et se trouve rattrapée par son passé. Réalisme ? Pas vraiment. La réalisatrice en utilise certains ressorts dans son scénario et sa mise en images, en revanche, ellipses et montage écartent toute ambition de vraisemblance. Raja Amari fait le choix de l'onirisme des sentiments, qu’ils soient émotionnels, politiques ou sociétaux.
Elle opte donc pour un récit rêvé sur un sujet des plus contemporains, les migrants, qui occupent toutes les Unes de l’actualité. La narration suit l’insertion d’une migrante, mais sa bonne samaritaine rencontrée dans un café et qui deviendra son employeuse (Hiam Abbass) est tout aussi importante et fait évoluer le film dans une autre direction. Car cette veuve d'âge mûre est à la recherche d'une relation nouvelle, avec Samia ou avec son hôte, et pourquoi pas avec les deux ? 
Hiam Abbass, Sara Hanachi, Salim Kechiouche dans "Corps étranger" de Raja Amari
 (Happiness Distribution)

Retrouvailles

Ce trio est bientôt rattrapé par la réalité. Celle de l’extrémisme islamiste, contre lequel la migrante et sa nouvelle amie vont combattre, pour mieux se retrouver. Curieux amalgame que crée Raja Amari avec une étonnante fluidité et sensualité. Hiam Abbass dans le rôle d’une grande bourgeoise accueillante, offre une composition étonnante, la plus touchante des trois personnages, prise dans un maelstrom de désirs et dépassée par une actualité brulante. 

Dénué de réalisme, "Corps étranger" est comme une métaphore de la suprématie des êtres sur ce qu’ils subissent dans l’épreuve. Ici l’immigration, l’extrémisme, contre lesquelles luttent des femmes pour vivre leur vie. Ces mobiles pourraient être autres. Ce sont ceux choisis par Raja Amari pour coller à l'époque, au moment où une loi sur l’immigration fait débat, dans une France menacée par les attentats. Un très beau film réalisé comme une fugue musicale. Sensible, beau et passionnant. 
"Corps étranger" : l'affiche
 (Happiness Distribution)

LA FICHE

Genre : Drame
Réalisateur : Raja Amari
Pays : France / Tunisie
Acteurs : Hiam Abbass, Sara Hanachi, Salim Kechiouche, Marc Brunet, Majd Mastoura
Durée : 1h32
Sortie : 21 février 2018

Synopsis : Samia, échoue comme beaucoup de clandestins sur les rivages de l'Europe. Hantée par l’idée d’être rattrapée par un frère radicalisé qu’elle avait dénoncé, elle trouve d’abord refuge chez Imed une connaissance de son village, puis chez Leila pour qui elle travaille. Entre les trois personnages, le désir et la peur exacerbent les tensions…

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