"Corsage" : l’impératrice Sissi dans un biopic loin des princesses à l’eau de rose
Exit les crinolines et bonbonnières, la réalisatrice autrichienne Marie Kreutzer filme une Sissi à 40 ans, lasse de l’étiquette, indépendante et obsédée par les flétrissures du temps.
Sissi est un mythe et l’Autriche en a fait son emblème national, tête de gondole d’un tourisme florissant. La célèbre trilogie qu’en a tirée Ernst Marischka de 1955 à 1957 avec Romy Schneider n’y est pas pour rien. Marie Kreutzer se situe à l’exact contre-courant d’une telle approche dans Corsage, qui a valu à Vicky Krieps le prix d'Interprétation féminine à Cannes et qui sort mercredi 14 décembre.
Simplicité et indépendance
À 40 ans, Élisabeth d’Autriche ne supporte plus la cour mais se plie à son devoir de représentation. Elle est obsédée par sa beauté, qui en a fait l’égérie de son peuple et de toute l’Europe. Sissi suit un régime drastique, se fait corseter chaque jour, pratique la gymnastique, l’escrime, monte à cheval… Mais elle fume aussi, se fait couper les cheveux, ne sort plus que voilée, et provoque l’ire de sa belle-mère.
Si elle respecte les faits historiques, Marie Kreutzer s’intéresse plus à la femme qu’à l’histoire. Vicky Krieps, qui l’interprète, privilégie dans son jeu la simplicité et l’indépendance que la souveraine avait acquises de ses parents, et que son intronisation n’a jamais fait renier. Le récit est un chapelet d’épisodes subversifs de sa part, non par provocation, mais par nature.
Fin de règne
La mise en scène de Vicky Krieps joue d’anachronismes dans les détails. Les portes de la salle d’escrimes, les cigarettes colorées bout filtre, les luminaires modernes, ou le paquebot, n’ont rien à faire en 1878. Le procédé rappelle les baskets Campers vues au bal de l’Opéra dans Marie-Antoinette de Sofia Coppola. Tous en avance sur leur temps, ils signalent la modernité que leurs héroïnes incarnent à la fin d’une époque.
Autrichienne, Marie Kreutzer parle de l’Autriche contemporaine dans son film. Membre de l’Union européenne, conservateur, le pays flirte avec l’extrême-droite depuis 2000 et semble replié sur lui-même. La fin de règne du film n’est-elle pas à l’image de cette Autriche confinée, dont on n'entend jamais parlé ? Mélancolique d’un paradis perdu, la Sissi de Corsage n’en est pas moins active dans sa subversion et la politique. Métaphorique, son plongeon final, à la dernière image, est plus un saut de l’ange vers l'avenir, qu’un acte désespéré.
La fiche
Genre : Drame historique
Réalisateur : Marie Kreutzer
Acteurs : Vicky Krieps, Florian Teichtmeister, Katharina Lorenz
Pays : Autriche / Luxembourg / Allemagne / France
Durée : 1h53
Sortie : 14 décembre 2022
Distributeur : Ad Vitam
Synopsis : Noël 1877, Élisabeth d’Autriche (Sissi), fête son 40e anniversaire. Première dame d’Autriche, femme de l’Empereur François-Joseph Ier, elle n’a pas le droit de s’exprimer et doit rester à jamais la belle et jeune impératrice. Pour satisfaire ces attentes, elle se plie à un régime rigoureux de jeûne, d’exercices, de coiffure et de mesure quotidienne de sa taille. Étouffée par ces conventions, avide de savoir et de vie, Élisabeth se rebelle de plus en plus contre cette image.
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