"Cuban Network" : Olivier Assayas plonge dans l'espionnage castriste des années 1990
Olivier Assayas retrouve une veine inaugurée avec "Carlos" dans un thriller d’espionnage adapté de faits réels, un film de genre inspiré.
Olivier Assayas aime alterner films d’auteur (Sils Maria) et films de genre (Carlos). Cuban Network est de cette dernière veine. Avec ce film il reconstitue l’histoire vraie de l’infiltration des réseaux anticastristes dans les années 90 à Miami par les services secrets cubains. Avec Penelope Cruz, Edgar Ramirez et Gael García Bernal, Assayas signe un beau thriller d’espionnage, sur les écrans mercredi 29 janvier.
Adaptation
Pilote de ligne cubain, René Gonzalès (Edgar Ramirez) fuit Cuba pour Miami et laisse derrière lui son épouse Olga (Penélope Cruz) avec leur petite fille qui vient de naître. René s’insère dans la communauté cubaine, travaille, et promet à Olga de la faire bientôt venir en Floride avec leur enfant. Un projet que ne partage pas du tout son épouse. Castriste convaincue, elle renie son mari, et le considère comme un traître, comme le font ses concitoyens suite à la médiatisation de sa fuite. Mais quelles sont les vraies motivations de René ?
Olivier Assayas nous a confié s’être "librement" inspiré de l’ouvrage de Fernando Morais Os Últimos Soldados da guerra fria ("Les derniers soldats de la guerre froide"), inédit en France. Une adaptation libre pour corriger, selon lui, un exposé "trop haché", qui ne convenait pas à une transposition au cinéma. Il s’en réclame toutefois totalement pour y avoir puisé "une source riche, détaillée et précise sur un épisode peu exploré de l’histoire récente". Car si le régime castriste s'installe en 1959, il occupe encore régulièrement l’actualité internationale et divise toujours. Ce fut le cas notamment dans les années 1990, lors d’une vaste opération d’espionnage, alors que l’URSS venait de tomber. C'est tout le sujet de Cuban Network.
Petite et grande histoire
Ce qui frappe d’emblée, c’est la dimension épique du film. Une aventure humaine qui se confond avec des enjeux politiques et idéologiques, qui dépassent les simples individus. Si le sujet s’y prête, c’est aussi grâce au choix de mise en scène d’Olivier Assayas. Ayant tourné en partie le film à la Havane, le réalisateur se dit "ébloui" par le foisonnement visuel de la capitale cubaine, au-delà des clichés, comme celui de "la survivance des voitures des années 50". La diversité architecturale, "du baroque aux riches villas américaines issues de la présence états-unienne sur l’île, est unique". Mais le film est aussi nourri d’un rythme soutenu et de relances qu’il faut découvrir pour en apprécier tout le sel.
Une magnifique scène de mariage fait penser à la l’ouverture du Parrain de Francis F. Coppola, et l’imbroglio américano-cubain renvoie à Scarface de Brian De Palma. Penelope Cruz et Edgar Ramirez incarnent à la perfection ce couple déchiré, pris au cœur d’enjeux bipolaires internationaux (Etats-Unis/Cuba), alors que l’Union soviétique vient de sombrer. La réussite d’Assayas est justement de ne jamais négliger l’histoire individuelle au profit de la grande histoire, mais de montrer comment l’une conditionne l’autre et inversement.
L’intervention de Castro dans des images d’archives "découvertes à la fin du tournage", précise Olivier Assayas, donne un éclairage inattendu sur le sens du film. Elles en synthétisent toute la teneur, sans parti pris idéologique, dans un thriller des plus efficaces, respectueux des règles de l’art. Cuban Network est aussi particulièrement instructif sur des faits peu connus et révélateur des pratiques de renseignement : passionnant.
La fiche
Genre : Thriller / Biopic
Réalisateurs : Olivier Assayas
Acteurs : Penelope Cruz, Édgar Ramírez, Gael García Bernal, Wagner Moura
Pays : France / Espagne / Brésil / Belgique
Durée : 2h05
Sortie : 29 janvier 2020
Distributeur : Memento Films Distribution
Synopsis : Début 90. Un groupe de Cubains installés à Miami met en place un réseau d’espionnage. Leur mission : infiltrer les groupuscules anti-castristes responsables d’attentats sur l’île
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