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[DEAUVILLE] "Un homme très recherché" : un des derniers Philip Seymour Hoffman
Réalisé par Anton Corbjin, "un homme très recherché" se réclame du film d'espionnage pur et dur, adapté du maître du genre John Le Carré, sur le post 11 septembre 2001. Le cinéaste avait réalisé auparavant le magnifique biopic sur Ian Curtis, chanteur de Joy Division, et "The American" avec Georges Clooney. Le film est un des quatre derniers interprétés par Philip Seymour Hoffman avant son décès.
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La note Culturebox
3 / 5 ★★★☆☆
3 / 5 ★★★☆☆
De Anton Corbijn (Etats-Unis/Grande-Bretagne/Allemagne), avec : Philip Seymour Hoffman, Rachel McAdams, Grigoriy Dobrygin, Willem Dafoe, Robin Wright, Daniel Brühl - 2h02 - Sortie : 17 septembre 2014.
Synopsis : Plus de dix ans après les attentats du 11 Septembre 2001, la ville de Hambourg a du mal à se remettre d’avoir abrité une importante cellule terroriste à l’origine des attaques contre le World Trade Center. Lorsqu’un immigré d’origine russo-tchétchène, ayant subi de terribles sévices, débarque dans la communauté musulmane de Hambourg pour récupérer la fortune mal acquise de son père, les services secrets allemands et américains sont en alerte. Une course contre la montre s’engage alors pour identifier cet homme très recherché : s’agit-il d’une victime ou d’un extrémiste aux intentions destructrices ? Jeu de langue
Projeté en compétition au Festival de Deauville, "Un homme très recherché" y a toute sa place. Pour son sujet, son casting et son metteur en scène, tous de grand talent. A ce propos, on se demande bien pourquoi le festival a rendu hommage à Lauren Bacall et Robin Williams, décédés cet été, en laissant sur la touche Philip Seymour Hoffman, également mort en février dernier. Mais c’est une autre histoire. L’interprète de "Capote", rôle pour lequel il remporta l’Oscar du meilleur acteur, trouve ici un personnage à sa mesure, a son expressivité, pour beaucoup pétrie de sobriété.
Une déception toutefois pour cette production américano-anglo-allemande - commune à la très grande majorité des réalisations d’outre-Atlantique - , celle de faire parler les personnages de n’importe quelle nationalité en anglais. Cette constante est bien entendu destinée à faciliter l’exportation des films. Et difficile de faire jouer Philip Seymour Hoffman, ou Willem Dafoe en allemand, alors que leurs rôles le sont, allemands. On en arrive à l’absurdité d’entendre des personnages allemands parler entre eux en anglais. La dimension internationale du script y gagnerait largement en cohérence et réalisme si chacun parlait dans sa propre langue. Dans "La Peau" (1981), d’après Malaparte, Liliana Cavani y était très bien parvenue. Droit dans ses bottes
Hormis cette problématique langagière, plutôt américaine - l’Europe étant plus ouverte sur ce point -, le film d’Anton Corbjin est plein de qualités, mais de limites aussi. On pouvait s’attendre à ce que le script adapté de Le Carré soit subtil : il l’est. Le casting est aussi au rendez-vous, et la chute inattendue. Là où le bât blesse, c’est dans la mise en scène. Le cinéaste reste droit dans ses bottes s’agissant du film d’espionnage, même s’il se raccroche au contexte du post 11 septembre pour l’actualiser (lutte contre le terrorisme en Occident), ce qui n’est pas sans être non plus opportuniste, nombre de films s’y référant.
Aussi, rien ne nous est épargné des poncifs du genre : action situé à Hambourg, ville de passage, qui renvoie au "Troisième homme", situé à Vienne, en Autriche ; scènes de filature, d’écoutes, de luttes intestines entre les services, donc de dialogues explicatifs, le tout dans une ambiance technologique sophistiquée... Corbjin parvient toutefois à bien exposer son intrigue en gardant une part de mystère, donc de suspense, sans être trop didactique. Il met bien à plat les enjeux, tout en précipitant sur la fin un dénouement qui brise une stratégie complexe. Comme souvent, le tout se résume à une question de temps. Reste une impression de classicisme trop sage par rapport au genre. Mais aussi celle du volontarisme du cinéaste de ne pas vouloir s’en démarquer. Comme s’il réalisait un exercice de style révérencieux par rapport aux maîtres du genre, pour montrer un savoir faire, faire ses preuves. Studieux.
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