"Divines" : la banlieue filmée par une caméra en or
La fureur de vivre
Cette prise de parole, si elle a pu surprendre par son emphase revendicatrice, fut le seul événement marquant d’une cérémonie consensuelle autour d’une remise de médailles qui en a déçu plus d’un. "Divines" est à ce titre une des rares surprises cannoises, et une bonne surprise. Celle de la découverte d’une cinéaste, de comédiennes, toutes non professionnelles, et d’un film, comme son auteure, qui ne mâche pas ses mots, ni ses images.Reportage : N.Hayter, G.Pinol, F.Menin,F.Mazzega
Ce qui surprend à la vision de "Divines", c’est la maîtrise de sa mise en scène et de sa photogénie. Charlie Chaplin disait qu’il n’y avait qu’un endroit où placer la caméra pour filmer une scène. Houda Benyamina ne s’y trompe pas : dans chaque plan, elle trouve l’angle idéal pour porter sens et impact, afin de transmettre l’énergie qui habite ses personnages. Car c’est bien d’énergie dont il s’agit ici. Non l’évocation des galères, de la quête d’émancipation, du poids de la société, de l’injustice, mais d’une rage de vivre, de la fureur de vivre, pour reprendre le titre du célèbre film d’Elia Kazan avec James Dean. Ce qui s’appliquait à l’adolescence ghettoïsée des années 50, se transmet aux jeunes "banlieusards" d’aujourd’hui. Ne serait-ce que par ce terme qui les enferme dans une catégorie, une classe, un genre. C’est de lui dont veut s’extirper Dounia (Oulaya Amamra). Peu importe les étapes, c’est l’alchimie à mettre à l’œuvre pour y parvenir qui compte. C’est tout le sujet du film.
L’ombre de Scorsese
Au sortir de l’adolescence, Doumia, avec dans son sillage sa copine Maimouna (Déborah Lukumuena), va y laisser des plumes. C’est le prix à payer, avec à la clé une leçon de vie. De celle qui vous forge, tanne la peau et le caractère. Elle la vivra sur le mode d’un amour-haine qu’elle développe autant envers Rebbeca (Jisca Kalvanda) - la dealeuse admirée pour s’être imposée dans la communauté -, qu’à l’égard de Djigui (Kevin Mischel), dont elle est amoureuse, mais dont elle méprise, par envie, la vocation artistique. L’épreuve, elle la vivra les mains dans le cambouis, au charbon, dans la violence et les trahisons, désillusions et séparations, qui renvoient à la perte de l’enfance.
Cette peinture d’une délinquance banlieusarde avide d’émancipation évoque Martin Scorsese dans sa peinture du banditisme new-yorkais. D’autant que le travail derrière la caméra est exigeant et percutant. Les jeunes comédiennes - Oulaya Amamra, Déborah Lukumuena, Jisca Kalvanda - forment un trio remarquable, entre la battante à tout prix, la copine tempérante, et la délinquante installée. Jisca Kalvanda incarne cette dernière avec une conviction débordante, en transmettant tout le charisme nourri de terreur qu’elle inspire. Houda Benyamina réussit son "coup", pétri de sincérité et de la connaissance du milieu qu’elle traite et partage avec art. Divine surprise.
LA FICHE
Drame de Houda Benyamina (France) - Avec : Oulaya Amamra, Déborah Lukumuena, Kevin Mischel, Jisca Kalvanda - Durée : 1h45 - Sortie: 31 août 2016
Interdit aux moins de 12 ans
Synopsis : Dans une cité de la banlieue parisienne ghettoisée où se côtoient trafics et religion, Dounia a soif de pouvoir et de réussite. Soutenue par Maimouna, sa meilleure amie, elle décide de suivre les traces de Rebecca, une dealeuse respectée. Sa rencontre avec Djigui, un jeune danseur troublant de sensualité, va bouleverser son quotidien.
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