"Drive my Car" du Japonais Ryusuke Hamaguchi adapte la langue subtile de Haruki Murakami
Le film a remporté le Prix du scénario au dernier Festival de Cannes, remis au réalisateur et à son coscénariste Takamasa Oe.
La presse était élogieuse à l’issue des projections du film à Cannes, lui augurant une récompense, voire la Palme. Il remportera le Prix du scénario, remis à Ryusuke Hamaguchi et à son coscénariste Takamasa Oe et sort mercredi 18 août sur les écrans. Hamaguchi, réalisateur d’Osako I&II en compétition à Cannes en 2018, adapte une nouvelle du recueil Des hommes sans femmes d’Haruki Murakami. Drive my Car traite en profondeur du processus de création artistique chez un dramaturge qui vient de perdre sa femme.
Illusions perdues
Venant de perdre sa femme qui le trompait, Yusuke Kafuku, acteur et metteur en scène de théâtre, est invité en résidence à Hiroshima pour monter Oncle Vania de Tchekhov. Il y rencontre la jeune Misaki qu’on lui assigne comme chauffeur. D’abord réticent, il brise la glace au fil de l’évocation de son passé, où il trouve des points communs avec sa conductrice. Bientôt une intimité se noue entre eux qui va nourrir la résilience et le travail de Yusuke.
"Oncle Vania est une des rares pièces qui peut vous transformer", dit Yusuke à Misaki. Connaissant l’oeuvre par cœur, interprète ad repetita du rôle-titre, l’acteur-metteur en scène ne veut pas cette fois reprendre le personnage. Il lui parle trop aujourd’hui, la pièce dénonçant les désillusions du bonheur, lui qui croyait l’avoir trouvé avec son épouse, qui l'a trompé et est désormais perdu. Tchekhov, dramaturge de la mémoire, est aussi présent dans les souvenirs qu'échangent l’artiste et sa conductrice, au cœur du film.
Empêtré dans ses entraves personnelles, Yusuke doit faire son casting, répéter, et monter la pièce. Pour Vania, il choisit un jeune acteur, alors que le rôle est âgé. Des comédiens internationaux déclameront leur texte dans leur propre langue, y compris celle des signes pour les malentendants. Une belle métaphore de l’universalité de l’art, au-delà des frontières physiques et de la langue.
Prise en charge
Précédé d’un long prologue de trois quarts d’heure, Drive my Car est construit au rythme des échanges en voiture entre Yusuke et Misaki, des auditions, des lectures du texte, puis de son interprétation sur scène. Calme, imperturbable, stoïque, le maître du jeu vit en fait une tempête sous un crâne, mais tout en retenue. La lenteur, toute asiatique, d'un récit répétitif, réclame une attention qui peut flancher sur les trois heures du film…
Yusuke se dit "possédé" par Oncle Vania, comme si la pièce le prenait au corps, lui dictait sa conduite. A l’identique, il est pris en charge, conduit par Misaki. Il va progressivement l’apprécier, tout comme il va entrer à nouveau dans le rôle qu’il rechignait à rejouer. Drive my Car (Conduis ma voiture) : Yusuke est autant conduit par Misaki que par Tchekhov, il met sa vie entre leurs mains. La spiritualité asiatique identifie la personne humaine à un fiacre : l’habitacle est le corps (la voiture), l’attelage les émotions (Misaki) et le cochet l’intellect (Yusuke). Un beau film, profond, littéraire - donc bavard -, un rien élitiste, mais qui enchantera les lecteurs de Murakami, dont il reflète la subtilité d’écriture au carrefour de la vie et de la création.
La fiche
Genre : Drame
Réalisateur : Ryusuke Hamaguchi
Acteurs :Hidetoshi Nishijima, Toko Miura, Masaki Okada
Pays : Japon
Durée : 2h59
Sortie : 12 août 2021
Distributeur : Diaphana Distribution
Synopsis : Alors qu'il n'arrive toujours pas à se remettre d'un drame personnel, Yusuke Kafuku, acteur et metteur en scène de théâtre, accepte de monter Oncle Vania dans un festival, à Hiroshima. Il y fait la connaissance de Misaki, une jeune femme réservée qu'on lui a assignée comme chauffeure. Au fil des trajets, la sincérité croissante de leurs échanges les oblige à faire face à leur passé.
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