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Eblouissante Jasmine Trinca dans "Fortunata" de Castellitto

Sorte d'hommage à "Mamma Roma" de Pasolini, "Fortunata" est une incursion intime et puissante dans l’Italie qui a du mal à joindre les deux bouts, mais qui, par son volontarisme, parvient à maintenir la tête haute. Un hymne poétique à la rage de vivre, du Sergio Castellitto très inspiré. Et une Jasmine Trinca combative, solaire, littéralement éblouissante.
Article rédigé par franceinfo - Lorenzo Ciavarini Azzi
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
"Fortunata" de Sergio Castellitto avec Jasmine Trinca dans le rôle titre.
 (Paname Distribution)

Lors de la projection du film à Cannes en mai dernier, dans la sélection officielle Un certain regard, le délégué général du Festival Thierry Frémaux, a eu raison de dire à propos de "Fortunata", qu'un air de néo-réalisme soufflait sur la Croisette. Il y a, c'est vrai, dans ce film un parfum de "Mamma Roma" de Pasolini, où une certaine idée de Rome était incarnée par Anna Magnani : le Rome pauvre et misérable de la fin des années 1950 mais qui savait toujours garder la tête haute. Restons modestes avec "Fortunata" : il n’est clairement pas question ici d’une comparaison, mais l’hommage nous paraît évident. 

Le rêve de Fortunata : avoir son propre salon de coiffure

"Fortunata" du réalisateur Sergio Castellitto est l’itinéraire, dans le Rome des quartiers pauvres, de la bien (ou mal) nommée Fortunata, "chanceuse" en italien, coiffeuse à domicile et mère d’une petite de huit ans. Femme jeune, jolie, mais forte, résolue à tracer son chemin. Son sourire franc, son port droit, sa démarche combative malgré ses talons hauts en disent long. Castellitto a dessiné une battante face à un quotidien qui n’est pas rose.
Jasmine Trinca et Stefano Accorsi.
 (Paname Distribution)
Séparée d’un agent de sécurité alcoolique et violent, qui réclame son droit de cuissage tant que le divorce n’est pas prononcé, Fortunata file un amour compliqué avec Chicano, junky et bipolaire, être fragile inséparable de son allemande de mère, une ancienne star de théâtre, éternelle Antigone. Et puis il y a le quotidien à nourrir : l’argent ne vient pas du ciel, elle le sait elle, qui voit l’addiction de son compagnon au Loto. Elle préfère trimer. Car Fortunata s’accroche à un rêve qui est en passe de se réaliser : monter son propre salon de coiffure. Jusqu’à ce qu’un dernier personnage fasse irruption dans cet équilibre déjà instable : un psychiatre, Patrizio, chargé de s’occuper de Barbara, la fille de Fortunata, qui vit mal la séparation de ses parents. L’homme à la blouse blanche se met en tête d’être également à l’écoute de la mère. Sa fonction dans l’histoire devient dès lors capitale : il est celui grâce auquel Fortunata peut enfin porter un regard autre sur sa vie et sur sa propre histoire.

Peinture sociale et paysages

Il y a dans "Fortunata" la peinture sociale qui renoue avec les thèmes du néoréalisme. Regard sans misérabilisme aucun, et parfois même teinté d’humour, comme lorsque Castellitto décrit la communauté chinoise qu’il s’agit de choyer, car, explique-t-on, "les Chinois sont les patrons du monde, on a tout intérêt à apprendre d’eux". Peinture qui passe également par le paysage, le Rome périphérique filmé d’en haut, plans très larges d’une beauté simple des immeubles, des espaces verts, des murs de grosse pierre, qui captent la lumière. La mise en scène est sobre, sauf dans les rares scènes plus lyriques qui laissent libre court à la poésie.

Mais la peinture de "Fortunata" passe avant tout par les personnages, écrits par Sergio Castellitto et la romancière à succès Margaret Mazzantini (qui est également son épouse), avec laquelle le réalisateur forme un duo depuis son premier film. Les personnages sont le véritable fil conducteur du film.

Prix d'interprétation féminine dans la catégorie Un Certain Regard

Côté distribution, ils sont plusieurs, très bons comédiens, autour du personnage de Fortunata : la grande Hanna Schygulla, en vieille mère partie dans ses délires séniles, poétique et déstabilisante ; Stefano Accorsi, longtemps beau gosse de service dans le cinéma italien, acteur performant et souvent juste, qui campe ici le psychiatre ; Alessandro Borghi en Chicano et Edoardo Pesce en mari jaloux, tous deux troublants de violence brute.
"Fortunata" de Sergio Castellitto : Jasmine Trinca.
 (Paname Distribution)
Et pourtant, on ne voit (presque) qu’elle : Jasmine Trinca. Lumineuse ? Solaire, éblouissante ! Riante, terne, inquiète, trop maquillée, mal arrangée, nue, transpirante, élégante, sa présence porte le film. Pas étonnant qu'elle ait raflé le Prix d'interprétation féminine dans la catégorie Un Certain Regard. Découverte ici à Cannes, en adolescente chez Nanni Moretti dans "La chambre du fils" elle s’est fait surtout remarquer en 2003 dans le très bon "Nos plus belles années" de Marco Tullio Giordana, où elle incarnait une très jeune femme traumatisée, sauvée par la patience d’un jeune psychiatre. Tiens, tiens…

LA FICHE

Genre : Drame
Réalisateur : Sergio Castellitto
Pays : Italie
Acteurs : Jasmine Trinca, Hanna Schygulla, Stefano Accorsi, Alessandro Borghi, Edoardo Pesce, Rosa Diletta Rossi
Durée : 1h39

Synopsis : Fortunata a une vie tourmentée, une fille de huit ans et un mariage raté derrière elle. Elle est coiffeuse à domicile, vit en banlieue, traverse la ville, entre dans les appartements bourgeois et colore les cheveux des femmes.Fortunata se bat tous les jours avec une détermination farouche pour réaliser son rêve : ouvrir un salon de coiffure et prendre en main son destin, conquérir son indépendance et son droit au bonheur. Fortunata sait que pour aller au bout de ses rêves, il faut de la persévérance : elle a pensé à tout, elle est prête à tout, mais elle n’a pas pris en compte la variable de l’amour, la seule force perturbatrice capable de faire vaciller toutes ses certitudes. Aussi parce que, pour la première fois peut-être, quelqu’un la regarde telle qu’elle est et l’aime vraiment.

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