"Eureka", un film chamanique contemplatif sur les ailes du temps

Lisandro Alonso est un des rares, mais réguliers réalisateurs argentins distribués en France. Son dernier film traite de spiritualité animiste en Amérique du Sud.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
"Eureka" de Lisandro Alonso (2024). (SLOT MACHINE)

Inclassable, au carrefour du documentaire et de la fiction, Eureka est aussi au croisement d'un western anachronique et d’une spiritualité exotique. Sur les écrans mercredi 28 mars, Eureka retrace le voyage initiatique de Sadie, une adolescente qui va renouer avec ses racines sud-amérindiennes au cœur de la jungle amazonienne.

Officier de police dans la réserve indienne de Pine Ridge du Dakota du sud, Alaina, constamment sollicitée, coupe la radio de son véhicule. Sa nièce Sadie l’attend jusqu’au bout de la nuit en compagnie de son grand-père. Il fait traverser à sa petite-fille l’espace et le temps jusque dans la jungle amazonienne où elle perçoit les rêves des habitants de la forêt. Elle découvre une autre facette du monde où l’esprit est en communion avec la nature.

Lisandro Alonso construit son film comme autant de tableaux qui s’interpénètrent progressivement pour n’en construire qu’un seul. D’abord chronique d’un officier de police qui décroche de ses fonctions, sa jeune nièce Sadie, dont elle a la charge, prend rapidement le dessus, pour devenir le personnage principal du film. Son grand-père va révéler à l’adolescente ses origines qui vont l’ouvrir à une autre vision du monde.

Nature spirituelle

Enfant recluse, paradoxalement enfermée dans l’immensité des plaines désertiques du Dakota du Sud, Sadie renoue avec ceux qui sont restés à "l’état sauvage", ses ancêtres que le temps n'a pas atteints. Indienne, elle ne se reconnaît pas dans le western en noir en blanc qu’elle regarde à la télévision au début du film. Insatisfaite et en quête d’origine, sans père, elle est aimée et éduquée par une tante accaparée par son travail de policière. Elle aussi est ailleurs, comme un paradoxe au regard des clichés de l’"Indien rebelle". Le grand-père de Sadie va faire voyager sa petite-fille en libérant son corps astral, pour aller à la rencontre des habitants et des esprits de la forêt, et ainsi renouer avec leurs racines.

Comme les médecines parallèles, les spiritualités, et notamment le chamanisme, fascinent l’Occident, au regard des nombreuses publications ou documentaires à leur sujet. Eureka ne raconte pas une histoire, mais une initiation, une découverte qui prend son temps, parfois un peu trop, mais dont le charme opère. On pense à Apichatpong Weerasethakul (Oncle Boonmee) ou Hayao Miyazaki (Princesse Mononoké). Comme eux, cinéaste d’une nature spirituelle, Lisandro Alonso créé des images et un récit ésotériques, à la hauteur de leurs intentions : planant.

L'affiche d'"Eureka" de Lisandro Alonso (2024). (LE PACTE)

La fiche

Genre : Drame
Réalisateur : Lisandro Alonso
Acteurs : Viggo Mortensen, Chiara Mastroianni, Alaina Clifford, Sadie Lapointe
Pays : Argentine, Allemagne, France, Mexique, Portugal
Durée : 2h27
Sortie : 28 février 2024
Distributeur : Le Pacte

Synopsis : Alaina est accablée par son travail d’officier de police dans la réserve de Pine Ridge. Elle décide de ne plus répondre à sa radio. Sa nièce, Sadie, attend son retour pendant une longue nuit, en vain. Sadie, triste, décide d’entamer son voyage avec l’aide de son grand-père. Elle s’envole dans le temps et l’espace vers l’Amérique du Sud. Elle ne regardera plus les westerns en noir et blanc, qui ne la représentent pas. Tout lui semble différent quand elle commence à percevoir les rêves d’autres Indiens qui habitent dans la forêt. Ses conclusions sont incertaines… Les oiseaux ne parlent pas aux humains, mais si seulement nous pouvions les comprendre, ils auraient sans doute quelques vérités à nous transmettre.

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