"Fais de beaux rêves" de Marco Bellocchio, l'ombre de la mère morte
Avec "Fais de Beaux Rêves" (Fai Bei Sogni), le réalisateur italien adapte le livre éponyme de Massimo Gramellini qui y raconte sa propre histoire. Avec cette autobiographie dramatique, le journaliste né en 1960 signait l'un des grands succès de librairie de ces dernières années en Italie. A l'âge de 9 ans, il perd sa mère dans des circonstances mystérieuses puisque personne, alors, ne lui révèle les véritables raisons de sa disparition. Il lui faudra attendre 2010, soit l'âge de 50 ans, pour que se dissipe le voile du mensonge dans lequel il avait été entretenu par la lâcheté des adultes. A commencer par son père, tout le monde autour de Massimo refusait d'affronter la vérité face à l'enfant, puis, l'adolescent et enfin l'homme accompli.
Un guide : Belphégor
Le film de Marco Bellochio est dense, prenant et il fait appel à des valeurs qui subsistent en chacun des spectateurs. Sans doute parce que cette histoire vraie repose sur le premier amour de chaque être humain, la figure maternelle, premier horizon de sa vie. Le réalisateur n'a pas choisi de raconter ce drame de façon linéaire. Régulièrement, l'enfant (Nicolo Cabras) est de nouveau là, jouant avec sa mère (Barbara Ronchi), regardant les émissions de variétés à la télévision, jouant à cache-cache... Evocation d'un paradis perdu, sans doute magnifié par la mémoire. Massimo grandit, mûrit, vieillit. Mais le drame, en lui, est toujours recommencé. Pour ne pas sombrer, il s'invente une figure tutélaire à qui il rend compte et de qui il pense recevoir des conseils. C'est Belphégor, le héros terrifiant d'une série télévisée qui fascinait sa mère.
Crise de panique
L'enfant devenu journaliste revient d'un reportage au siège de Sarajevo en proie à des crises de panique. C'est du médecin des urgences (Bérénice Béjo) qui s'occupe de son cas que viendra enfin une sorte de rédemption. Elle seule parviendra à remplacer la seule figure féminine qui ait jamais illuminé la vie de Massimo. Quand il se décide à vider l'appartement familial, il approche de la cinquantaine et découvre enfin la vérité sur le destin de sa mère.
Un film accompli
Il fallait, pour réussir à porter à l'écran une telle histoire, et véridique de surcroît, tout le doigté d'un réalisateur de la stature de Marco Bellocchio. Cinéaste engagé, volontiers anticlérical, il a pu retrouver quelques-uns de ses thèmes favoris dans cette autobiographie qui mêle la grande et petite histoire. Interrogé sur le rapport mère-fils par une spectatrice à l'issue de la projection cannoise où son film ouvrait la Quinzaine des Réalisateurs, il a répondu par une pirouette significative : dans son premier film, il tuait sa mère... celui-ci est là pour compenser.
La finesse avec laquelle le réalisateur italien de 76 ans s'attaque à cette histoire délicate est parfois gâchée par des effets un peu appuyés, comme cette image de la compagne de Massimo adulte, s'apprêtant à s'élancer du plus haut plongeoir, rappelant la chute mortelle de la maman disparue. Mais pour l'essentiel, "Fais de beaux rêves" est un film accompli, abouti, qui a conquis le public cannois. L'un des spectateurs remerciant d'ailleurs la Quinzaine des Réalisateurs de l'avoir choisi pour son ouverture, remarquant au passage que ce choix comblait le vide de la sélection officielle qui ne compte aucun film de la péninsule.
Synopsis : Turin, 1969. Massimo, un jeune garçon de neuf ans, perd sa mère dans des circonstances mystérieuses. Quelques jours après, son père le conduit auprès d’un prêtre qui lui explique qu’elle est désormais au Paradis. Massimo refuse d’accepter cette disparition brutale.
1990. Massimo est devenu un journaliste accompli, mais son passé le hante. Alors qu’il doit vendre l’appartement de ses parents, les blessures de son enfance tournent à l’obsession…
Fais de Beaux Rêves
Film italien de Marco Bellocchio
avec Valério Mastandrea, Bérénice Béjo, Guido Caprino, Nicolo Cabras, Barbara Ronchi
2h14
Sortie française le 14 décembre 2016
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