"Fleur de Tonnerre" : une tueuse en série du XIXe siècle passée au scalpel
Des acteurs à leur place
Stéphanie Pillonca-Kerven a réuni un beau casting dans cette reconstitution d’une affaire criminelle où se mêlent croyance et superstition dans une Bretagne encore secouée par les derniers soubresauts de la Révolution de 1789. Déborah François est parfaite dans la peau de cette jeune femme abîmée par une mauvaise mère, délaissée par son père, reléguée servante de maison en maison, obsédée par la figure légendaire de l’ankou, messager de la mort. Elle traduit son obstination farouche, une colère rentrée prête à tuer, comme possédée par l’esprit macabre, tout en inspirant une paradoxale douceur naturelle.La cinéaste a réuni les comédiens idéaux, dans une reconstitution historique sobre et réaliste. Benjamin Biolay campe un bourgeois séduisant et perturbé, tombé sous le charme vénéneux de l’assassine de son épouse ; Catherine Mouchet, endosse le rôle ingrat d’une mère méchante et froide ; Christophe Miossec est inattendu en prêtre bienveillant qui fera les frais de sa servante ; Féodor Atkin fait encore preuve d’une autorité charismatique et Jean-Claude Drouot fait une apparition brève mais marquante. Même Gustave Kerven, coproducteur et coscénariste, fait une figuration clin d’œil. Benjamin Biolay, Jonathan Zaccaï, en juge, et Christophe Miossec, sont toutefois en-deçà des attentes.
Glacis
Ce fait divers peu connu et curieux évoque la persistance de rituels païens dans une Bretagne brumeuse, très photogénique, alors réputée pour son catholicisme fervent. Un paradoxe qui n’était pas un épiphénomène à l'époque, mais répandu et pérenne dans toutes les provinces de France. Stéphanie Pillonca-Kerven évite toute psychologie, privilégiant une approche quasi-ethnologique, tout en privilégiant un romanesque teinté de fantastique suggéré, aux couleurs réalistes. Construit comme une succession de retours en arrière lors de sa déposition au juge, "Fleur de tonnerre" (surnom de l’empoisonneuse donné par sa mère) dresse le portrait d’une femme conditionnée par son milieu d’origine et des traumas émotionnels qui participent de son entreprise criminelle.
C’est pourquoi le film dresse aussi, en filigrane, un constat sur la Justice expéditive de l’époque, et, par extension, sur la Justice en général, dans sa capacité à émettre un jugement fiable. Stéphanie Pillonca-Kerven remonte à la surface une histoire criminelle fascinante dans ses nombreuses composantes exposée par une Déborah François en phase avec son personnage énigmatique, mystérieux et fatal. Sa mise en images, des plus soignées sans être esthétisante, a les qualités d’une réalisation en décors naturels, avec une préférence pour les ambiances glacées. Elles correspondent à la froideur d’une personnalité trop privée d’amour pour pouvoir en donner. Elle finira désarçonnée par les conséquences de ses actes, qui la condamneront à subir la fraîcheur du couperet.
LA FICHE
Drame historique de Stéphanie Pillonca-Kervern (France/Belgique), Avec : Déborah François, Benjamin Biolay, Jonathan Zaccaï, Catherine Mouchet, Blanche François, Féodor Atkine, Christophe Miossec, Marthe Guérin Caufman, Jean-Claude Drouot - Durée : 1h40 - Sortie : 18 janvier 2017
Synopsis : Au début du XIXe siècle, la Bretagne est à genoux, accablée par le régime en place et par le clergé omnipotent. Elle se meurt dans un marasme économique qui n’en finit pas. Dans ce contexte, une fillette en souffrance pousse, tant bien que mal. Cette fillette c’est "Fleur de Tonnerre", une enfant isolée, malmenée par la vie et bercée par le morbide. Elle en deviendra la plus grande "serial killer" que la terre ait jamais porté et sèmera la mort, peut être juste pour être regardée et aimée.
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