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"Fronteras" rapproche immigration et homosexualité en Espagne

C’est d’un sacré culot dont fait preuve l’Espagnol Mikel Rueda en mettant en équation immigration clandestine et homosexualité dans "Fronteras". Dans ce troisième long métrage, le premier distribué en France, le cinéaste de 36 ans aborde son sujet en le contextualisant dans l’adolescence espagnole, ses personnages ayant une quinzaine d’années. Un angle qui n’est pas sans rappeler Gus Van Sant.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Adil Koukouh et Germán Alcarazu dans "Fronteras" de Mikel Rueda
 (Outplay)

Frontières

Mikel Rueda ne choisit pas la facilité en traitant de front immigration et homosexualité dans une Espagne, et au-delà toute l’Europe et le monde, touchés par des flux migratoires sans précédent et une homophobie de plus en plus revendiquée par ses partisans, allant jusqu’au meurtre, voire de masse (fusillade d’Orlando du 11 juin). "Fronteras" prend d’autant plus de sens que ses protagonistes sont jeunes. Le cinéaste les situe à l’avant-garde de revendications libertaires en butte à un conservatisme dominant incarné non pas par les adultes, mais par leurs congénères du même âge.

Le propos fait montre d’une grande délicatesse en le traitant à un âge où se cristallisent les sentiments, émotions, empathie, répulsions et pulsions formatrices : compassion, amitié, amour, sexualité… Rafa, collégien espagnol de 14 ans et Ibra, Marocain clandestin de 16 ans, vont en faire l’expérience, mais aussi ceux qui les entourent, dans l’établissement scolaire et le club de water-polo qu’ils fréquentent. La découverte par Rafa de son homosexualité quand ses camarades le poussent dans les bras de la jolie et engageante Marta et l’attirance latente entre les deux amis sont traitées avec tact en traduisant à l’image, sans mots, des bouleversements intérieurs puissants.

Adil Koukouh dans "Fronteras" de Mikel Rueda
 (Outplay)

Enclave extérieure

Rafa et Ibra sont des parias, externalisés, rejetés du cercle consensuel. "Fronteras" se déroule en toute logique majoritairement en extérieur, hormis l’association humanitaire pour les immigrés ou le collège, des lieux de tolérance et d’éducation. Ils seront vite bannis du "foyer", où se retrouve la petite bande de Rafa, une fois son homosexualité avérée. Un beau plan porte sens, où Rafa et Ibra sont assis sur la terrasse d’un immeuble, les jambes ballantes, tournés vers le ciel, mais entourés, comme cernés, écrasés, annihilés, par des blocs de béton qui les enchâssent.

Sensible, sobre et signifiante, la mise en scène de Mikel Rueda est portée par l’interprétation de ses jeunes acteurs inexpérimentés mais très expressifs, Germán Alcarazu (Rafa) et Adil Koukouh (Ibra). Par son sujet, ses thèmes et son traitement, "Fronteras" évoque les films de Gus Van Sant, notamment "My Own private Idaho", projetés dans une conjoncture en phase avec l’actualité immédiate, très concrète. Ne reste plus qu’à passer la frontière de la salle de cinéma et avec elle celles de la tolérance, des préjugés et de l’ouverture. les valeurs d’un film civique, dont le message passe par l’émotion. 

"Fronteras" : l'affiche française
 (Outplay)

LA FICHE

Drame de Mikel Rueda (Espagne) - Avec : Germán Alcarazu, Adil Koukouh, Joseba Ugalde, Moussa Echarif  - Durée, Ana Wagener, Alex Angulo : 1h36 - Sortie: 31 août 2016

Synopsis : Rafa est un adolescent espagnol de 14 ans presque comme les autres : il va au lycée, traine avec ses amis, sort en boite… Ibrahim, lui, a une vie plus compliquée. Marocain, sa présence est illégale sur le territoire, et il vient d’apprendre qu’il sera expulsé dans quelques jours. Leur rencontre, un soir dans un club, va changer leur destin. Rafa va tout faire pour aider Ibrahim à rester en Espagne.

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