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"Ghostland", film fantastique français multiprimé mais décevant

Avec trois récompenses au dernier festival du film fantastique de Gérardmer, dont le Grand prix, "Ghostland" de Pascal Laugier fut le grand vainqueur de cette 25e édition où la France présentait quatre longs métrages, ce qui est rare dans ce genre peu prisé par les réalisateurs nationaux. Grand bien soit-il, mais ce film multiprimé suscite pourtant plus d’une réserve.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5min
Emilia Jones et Taylor Hickson dans "Ghostland" de Pascal Laugier
 (Mars Films)

Métaphore

Pascal Laugier aime le fantastique pour avoir réalisé quatre films relevant du genre, que la production française néglige à l’inverse de l’Espagne par exemple qui régulièrement y excelle. "Ghostland" constitue une belle tentative sur le papier, où deux sœurs ayant subi une agression d’une violence inouïe dans leur jeunesse au côté de leur mère, se retrouvent, adultes, confrontées aux mêmes assaillants. Le cinéaste, qui signe également le scénario, emprunte les voies de l’horreur, plus que celles de l’épouvante, dans un décor gothique en diable, pour au final dresser par métaphore le portrait de deux personnalités en phase post-traumatique.
Si l’approche est originale et louable à plus d’un titre, le traitement l’est moins. Le fantastique contemporain français privilégie la violence et le gore, Laugier lui-même ayant déjà œuvré dans ce sens avec "Martyrs" avec lequel "Ghostland" a des points communs. Le film est en effet émaillé de nombreuses scènes de violences extrêmes, avec un psychopathe et sa mère qui s’acharnent sur les deux sœurs, suivies alternativement dans leur jeunesse et à l’âge adulte. La mise en scène joue par ailleurs essentiellement sur les effets de surprise et le "gros son" pour faire sursauter le spectateur. Il n’y réussit pas forcément, usant de ce code surexploité dans les films fantastiques au détriment de l’ambiance.
Rob Archer dans "Ghostland" de Pascal Laugier
 (Mars Films)

Citations, clichés et fausses pistes

Connaissant ses classiques, Pascal Laugier multiplie les références, surtout à "Massacre à la tronçonneuse" avec un tueur désaxé qui renvoie explicitement au célèbre "Leatherface" (le tueur à la tronçonneuse) du film de Tobe Hooper. D’autres citations émaillent "Ghostland", telles "L’Exorciste" ou "Shining". Si assumer de tels parains ne va pas forcément à l’encontre d’un film, elles sont ici trop appuyées. Tout comme le motif redondant des poupées qui jalonnent par dizaine le film. Une figure clichée du cinéma fantastique pour son caractère ambivalent entre candeur et étrangeté, symbole de la double identité que peut revêtir l’enfance entre innocence et cruauté.
Alicia Johnson dans "Ghostland" de Pascal Laugier
 (Mars Films)
La construction du film se plaît à jouer des fausses pistes à répétition, avec de constants allers-retours entre passé et présent, pour aboutir à une certaine confusion scénaristique lassante, au lieu de susciter la participation du spectateur. Placé sous la "haute autorité" du génie littéraire fantastique qu’est Howard Phillips Lovecraft (qui fait même une apparition !), "Ghostland" ne recoupe en rien la veine creusée par l’auteur du mythe de Cthulhu. La présence de Mylène Farmer dans le rôle de la mère est une curiosité tant elle est rare au cinéma, et s’en tire plutôt bien. Les quatre actrices qui interprètent ses filles à différents âges font preuve d’endurance dans des rôles très physiques, mais ne crèvent pas l’écran. Malgré ces réserves, "Ghostland" a trouvé son public (autre prix remporté à Gérardmer), et peut paradoxalement, peut-être, permettre à un cinéma fantastique français de se développer.
Mylène Farmer dans "Ghostland" de Pascal Laugier

LA FICHE

Genre : fantastique
Réalisateur : Pascal Augier
Pays : France / Canada
Acteurs : Crystal Reed, Anastasia Phillips, Mylène Farmer, Emilia Jones, Taylor Hickson, Rob Archer, Adam Hurtig, Alicia Johnston, Ernesto Griffith, Suzanne Pringle
Interdit aux moins de 16 ans
Durée : 1h31 
Sortie : 14 mars 2018

Synopsis : Suite au décès de sa tante, Pauline et ses deux filles héritent d’une maison. Mais dès la première nuit, des meurtriers pénètrent dans la demeure et Pauline doit se battre pour sauver ses filles. Un drame qui va traumatiser toute la famille mais surtout affecter différemment chacune des jeunes filles dont les personnalités vont diverger davantage à la suite de cette nuit cauchemardesque. Tandis que Beth devient une auteur renommée spécialisée dans la littérature horrifique, Vera s’enlise dans une paranoïa destructrice. Seize ans plus tard, la famille est à nouveau réunie dans la maison que Vera et Pauline n’ont jamais quittée. Des évènements étranges vont alors se produire…

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