"Guy", l'exploit d'Alex Lutz en vieux chanteur pathétique et émouvant
Parce qu'on ne brûle pas toujours ce qu'on a adoré, les fans du chanteur Guy Jamet (Alex Lutz) sont au rendez-vous de tous ses galas en province. Comme lui, elles ont vieilli bien sûr mais elles connaissent encore sur le bout des doigts les paroles de ses succès qui datent déjà des années 60 à 90. L'une d'elles, pourtant, ne viendra plus à ses concerts. Elle vient de mourir, non sans avoir confié à son fils (Tom Dingler), un jeune journaliste, qu'il est le fils de son idole. Pour approcher son père, le jeune homme lui propose de tourner un documentaire sur sa vie quotidienne. Guy accepte. C'est ce documentaire qui constitue, très adroitement, le film d'Alex Lutz.
Reportage : France 3 M. Vial / S. Thiébaut / E. Rassat / S. Richardson
L'homme que l'on découvre dès les premières secondes du film ressemble étrangement à Alex Lutz. Il pourrait être son père. De l'homme à l'approche de la vieillesse, il porte les stigmates : rides, tavelures, visage aux traits fatigués et cou à la peau défraîchie. La transformation de l'acteur est spectaculaire en ce sens justement qu'on ne la verrait pas si on ne savait pas ! Elle s'accompagne d'un travail sur les gestes, les postures, le rythme général qui complète la transformation d'un Alex Lutz à l'allure juvénile en un Guy Jamet résistant vaillamment aux assauts dévasteurs de la vieillesse. Ici pas de visage figé sous un maquillage exagérant les effet du temps qui passe, Guy Jamet paraît bien là, devant nous, pesant de tout son âge et de toute sa déception.
"Guy" est une absolue réussite. Le choix de proposer un document filmé assez maladroitement, au montage faussement bancal accroît le réalisme de l'interprétation de Lutz. Celui-ci évoque dans la vie de tous les jours un Jean-Paul Belmondo vieillissant (avant son terrible AVC). Il prend aussi parfois des allures de dandy façon André Dussollier. Mais sur scène, c'est autre chose. Guy Jamet devient un mix de Claude François et de Michel Sardou. Des "documents d'époque" le montrent dans des émissions inspirées des fameux N°1 de Maritie et Gilbert Carpentier minutieusement reconstituées.
La grande finesse de "Guy" se cache dans la tendresse que Lutz accorde à son personnage. Il aurait été facile de se cantonner à la face égocentrique et ridicule du chanteur. Ses 45 tours sont partout, il passe son temps à se recoiffer, donne son avis sur un ton doctoral à propos de sujets sans aucun intérêt (ah, la tirade sur Elnett, la meilleure laque...!), il garde ses exigences de stars et persiste à terminer ses galas en galante compagnie d'un soir. Mais Lutz va chercher de l'autre côté du cliché. Et ce qu'il y trouve confine au tragique. Guy Jamet n'est dupe de rien et surtout pas de lui-même. Il est juste prisonnier de son personnage de chanteur. Voici Dorian Gray une nouvelle fois arnaqué par le grand marchand d'esbroufe. Et là, toujours dans la nuance, Alex Lutz partage avec le spectateur sa tendresse pour cet homme empêtré dans le souvenir d'une grandeur disparue. Il nous fait même aimer l'une ou l'autre de ses chansons pour midinettes. Et ça aussi, c'est vraiment un exploit.
LA FICHE
Genre : Portrait imaginaire
Réalisateur : Alex Lutz
Pays : France
Acteurs : Alex Lutz, Tom Dingler, Nicole Calfan, Elodie Bouchez, Dani...
Durée : 1h41
Sortie : 29 août 2018
Synopsis : Gauthier, un jeune journaliste, apprend par sa mère qu'il serait le fils illégitime de Guy Jamet, un artiste de variété française ayant eu son heure de gloire entre les années 60 et 90. Celui-ci est justement en train de sortir un album de reprises et de faire une tournée. Gauthier décide de le suivre, caméra au poing, dans sa vie quotidienne et ses concerts de province, pour en faire un portrait documentaire.
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