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"Happy End" : Michael Haneke trop fidèle à lui-même ne convainc guère

Michael Haneke a décroché deux fois la Palme d'or à Cannes : pour "Le Ruban Blanc" en 2009 et pour "Amour" en 2012. "Happy End" est reparti bredouille du dernier Festival, et pour cause. Le titre de son film reflète la sombre ironie du réalisateur autrichien qui y a rassemblé ses thèmes majeurs avec un plaisir déroutant, mais sans y apporter vraiment du nouveau, malgré une belle distribution.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Fantine Harduin, Isabelle Huppert, Jean-Louis Trintignant, Laura Verlinden, Mathieu Kassovitz dans "Happy End" de Michael Haneke
 (Les Films du Losange)

Haneke Land

Cinéaste radical, Michael Haneke multiplie les difficultés pour nous laisser pénétrer l’univers de son dernier film. Le premier plan/générique est filmé par un Iphone, la suite enchaîne de longs plans fixes sans véritable lien narratif : un hamster dans sa cage est empoisonné avec des médicaments, les fondations d'un chantier s'écroulent, une main inconnue déclare sur un clavier d'ordinateur sa passion amoureuse doublée de fantasmes de soumission… Bienvenue à Haneke Land. 

En quelques plans, froids comme la mort, nous savons où nous sommes. On reconnait les obsessions du cinéaste autrichien : l’enfance sadique, la passion dans la douleur, l’oppression familiale, l’approche du trépas… Que du bonheur. On a l’impression d’avoir déjà donné. Le patriarche qu’interprète Jean-Louis Trintignant confie même à sa petite fille, avec détachement, avoir tué sa femme en l’étouffant avec un oreiller pour abréger ses souffrances. Ça ne vous rappelle pas quelque chose ? Les repas silencieux se succèdent pour rendre compte des codes de la bourgeoisie de province, le petit-fils aîné déraille, le fils (Mathieu Kassovitz) trompe sa femme, la fille (Isabelle Huppert) n’est qu’affairiste…

Festen

Etant à Calais, on ne peut ignorer qu’à quelques encablures de ces sinistres agapes sont rassemblées des centaines de migrants qui vivent dans un bidonville en sursis. Ils apparaîtront à la fin, invités par le petit-fils lors d’un festin de fiançailles. Une intervention qui, dans la forme, fait écho à "Festen" (1998) de Thomas Vinterberg, où la révélation de la pédophilie du patriarche à la famille serait remplacée par celle de la présence d’indigents à sa porte.

"Happy End" : photo de tournage avec Jean-Louis Trintignant et Michael Haneke
 (Les Films du Losange)

"Happy End" gagne en intérêt plus le film avance, quand se dessinent ouvertement les enjeux, au cœur desquels la tentation suicidaire du chef de clan qu’interprète magistralement Jean-Louis Trintignant. Pour arriver à ses fins, il développe une méchanceté maligne, exploitant celle de sa petite-fille, qu'il méprise pourtant. Il crée artificiellement une complicité entre deux êtres, à des années-lumière l’un de l’autre. La trouvaille du dernier plan laissé en suspens est la meilleure idée du film. Haneke y condense tout le cynisme de la situation pour le transmettre au spectateur, et créer le malaise d’un désespoir assumé.

"Happy End" : l'affiche
 (Les Films du Losange)

LA FICHE

Genre : Drame
Réalisateur : Michael Haneke
Pays : Autriche, France
Acteurs : Isabelle Huppert, Jean-Louis Trintignant, Mathieu Kassovitz, Fantine Harduin, Franz Rogowski, Laura Verlinden, Nabiha Akkari, Toby Jones
Durée : 1h50
Sortie : 4 octobre 2017

Synopsis : Une grande famille industrielle de Calais se dirige vers la revente de l’entreprise. Le petite Claire, 13 ans, va devoir habiter le fief familial auprès de son grand-père, son père, sa nouvelle épouse et sa tante, sa mère étant décédée empoisonnée. La famille vit repliée sur elle-même, liée aux notables de la région, alors que tout près les migrants se pressent pour traverser la Manche. "Tout autour le Monde et nous au milieu, aveugles." 

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