"Hedi, un vent de liberté" : après-printemps arabe tunisien amer
Allégorie
Signataire du scénario de "Hedi", Mohamed Ben Attia est visiblement porté par son sujet qu’il met magnifiquement en scène, avec une sincérité palpable. Il serait facile et dommage de passer à côté, suite à une saturation quant au sujet, notamment abordé par de nombreux films passés et à venir sur la condition de la femme dans les sociétés musulmanes, depuis ces printemps arabes qui ont bouleversé la donne dans la région et le monde.Si le film repose sur l’allégorie par trop visible de ce jeune adulte issu d’une famille de la haute bourgeoise dont la mère arrange le mariage avec une jeune femme de la même classe, le film atteint rapidement un degré d’analyse plus subtil. Hedi végète dans cette famille qui décide tout à sa place. Mais il s’y plie, car la vie est ainsi plus facile ; sa promise est de toute beauté et son futur est balisé dans le respect aux traditions rassurantes. Un désir d’indépendance, toutefois ancré en lui, va s’extérioriser au contact d’une autre femme, belle, elle aussi, mais moins sophistiquée, ouverte sur le monde et entreprenante.
L’enfer
Hedi vacille. Tout l’enjeu de son destin se joue sur une décision, à prendre ou à laisser. Et c’est tout le pays qui bascule dans ce dilemme individuel. Quel voie va-t-il-prendre ? On ne le saura pas jusqu’à la fin qui nous laissera sur un sentiment étrange, une expectative qui s’extrapole à toute une nation ; un désir de changement qui peine à prendre corps par un attachement ancré dans les traditions. Ce frein, ne serait-ce pas tout bonnement pas la peur ?
Mohamed Ben Attia mène "Hedi" avec sensibilité, jouant au plus près des sentiments, d’une identification spontanée au personnage, hérissant le spectateur mis face à cette mère possessive et envahissante, qui pave l’enfer de bonnes intentions. On en ressort chamboulé et avec l’impression d’avoir appris quelque chose sur une situation complexe, décryptée de l’intérieur. Ce n'est pas pour rien que le film a remporté trois prix, dont celui du Meilleur premier film à la dernière Berlinale.Sensible, beau et édifiant.
LA FICHE
Drame de Mohamed Ben Attia (Tunisie/Belgique/France), Avec : Majd Mastoura, Rym Ben Messaoud, Sabah Bouzouita - Durée : 1h33 - Sortie : 28 décembre 2016
Synopsis : Kairouan en Tunisie, peu après le printemps arabe. Hedi est un jeune homme sage et réservé. Passionné de dessin, il travaille sans enthousiasme comme commercial. Bien que son pays soit en pleine mutation, il reste soumis aux conventions sociales et laisse sa famille prendre les décisions à sa place. Alors que sa mère prépare activement son mariage, son patron l’envoie à Mahdia à la recherche de nouveaux clients. Hedi y rencontre Rim, animatrice dans un hôtel local, femme indépendante dont la liberté le séduit. Pour la première fois, il est tenté de prendre sa vie en main.
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