"Here" : la rencontre entre deux solitudes et deux exils dans un film délicat de Bas Devos
Le réalisateur belge de 41 ans Bas Devos confirme son talent pour dénicher dans les décors les plus banals du quotidien la poésie du monde. Here, quatrième long-métrage, sélectionné à la Berlinale dans la section Encounters, sort dans les salles le 10 juillet 2024.
Stefan (Stefan Gotaest) est ouvrier dans le bâtiment. C'est son dernier jour de travail avant quatre semaines de vacances estivales. Il travaille sur la construction d'un immeuble gigantesque, dans un quartier en plein chantier. Stefan se prépare à rentrer en Roumanie pour voir sa famille, et notamment sa mère. Il vide son frigo avant son départ, prépare une soupe avec ce qu'il y trouve, et la distribue à ses amis et à sa sœur.
Shuxiu (Liyo Gong), une jeune Chinoise, passe ses journées l'œil rivé à son microscope. Ce qu'elle observe ressemble à des paysages vus du ciel. Parfois, elle rend visite à sa tante, qui tient un petit restaurant. Elle y croise Stefan, où les deux jeunes gens échangent quelques mots.
Le jeune homme rend une dernière visite à sa sœur, qui travaille de nuit. "Parle-moi, je veux juste entendre ta voix", dit-il à sa sœur avant de s'endormir. "Je ne reviendrai peut-être pas tout de suite", confie le jeune homme à sa sœur. Plus tard, dans la forêt, alors qu'il va chercher sa voiture pour prendre la route pour la Roumanie, il croise Shuxiu dans la forêt.
"La mousse pousse partout"
Tourné en format 4:3, le film de Bas Devos nous fait entrer dans le quotidien d'un jeune travailleur exilé. Le jeune homme semble errer sans but pendant ces quelques jours qui précèdent son départ pour la Roumanie, mais juste avant de prendre la route, il croise Shuxiu dans la forêt. Ici, pas d'action, pas de dramaturgie, si ce n'est le mouvement qui va conduire jusqu'à la rencontre entre deux êtres esseulés par l'exil, qui ont en commun de regarder ce que les autres ne remarquent pas.
Le réalisateur pose son regard sur les invisibles, ceux qui se lèvent tôt, ceux qui travaillent la nuit, pour la plupart d'entre eux des déracinés. Il nous invite à observer aussi l'environnement, les espaces vacants dans les paysages urbains, ces entre-deux ensauvagés, dans lesquels semble battre le cœur de la ville, que l'on entend ou aperçoit toujours, même au plus profond des sous-bois.
Le plus souvent tourné en plan fixes composés comme des tableaux vivants, s'arrêtant sur une lumière, le frémissement des végétaux, le bourdonnement des insectes, la caméra s'attarde, capte les sons de la nature aussi bien que ceux de la ville, omniprésents, épousant le rythme de cette longue errance jusqu'à la rencontre, qui marque la fin du film et le début de l'histoire, laissée à l'imagination du spectateur.
"La mousse pousse partout et personne ne s'y intéresse", dit Shuxiu à Stefan. Ce film très contemplatif ouvre une fenêtre sur les mondes invisibles, nous invitant à observer de plus près la beauté du monde, celle qui se trouve juste sous nos yeux, ou à nos pieds comme les mousses, et que l'on ne prend souvent pas la peine de regarder, et qui peuvent conduire sur des chemins nouveaux.
La fiche
Genre : Drame
Réalisateur : Bas Devos
Acteurs : Stefan Gota, Liyo Gong, Teodor Corban
Pays : Belgique
Durée : 01h22
Sortie : 10 juillet 2024
Distributeur : JHR Films
Synopsis : Stefan, un ouvrier du bâtiment roumain vivant à Bruxelles, est sur le point de rentrer chez lui. Il prépare une grande marmite de soupe avec les restes de son réfrigérateur pour la distribuer en guise de cadeau d'adieu à ses amis et à sa famille. Alors qu'il s'apprête à partir, il rencontre une jeune femme belgo-chinoise qui prépare un doctorat sur les mousses. L'attention qu'elle porte à l'invisible l'arrête net.
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