"Jacky au royaume des filles" : Riad Sattouf pamphlétaire avisé
De Riad Sattouf (France), avec : Vincent Lacoste, Charlotte Gainsbourg, Didier Bourdon, Anémone, Valérie Bonneton, Michel Hazanavicius, Noémie Lvovsky, Laure Marsac - 1h30 - Sortie : 29 janvier 2014
Synopsis : En république démocratique et populaire de Bubunne, les femmes ont le pouvoir, commandent et font la guerre. Les hommes portent le voile et s’occupent de leur foyer. Parmi eux, Jacky, un garçon de vingt ans, a le même fantasme inaccessible que tous les célibataires de son pays : épouser la Colonelle, fille de la dictatrice, et avoir plein de petites filles avec elle. Mais quand la Générale décide enfin d’organiser un grand bal pour trouver un mari à sa fille, les choses empirent pour Jacky. A la mort de sa mère, il est maltraité par sa belle-famille, et voit son rêve peu à peu lui échapper...
Dictature matriarcale
Riad Sattouf reprend son acteur des « Beaux gosses », Vincent Lacoste, et l’entoure d’une belle distribution : Charlotte Gainsbourg, Didier Bourdon, Anémone, Valérie Bonneton et Michel Hazanavicius. Mais l’acteur principal de « Jacky au royaume des filles » est sans doute cette dictature matriarcale imaginaire de Bubunne, où la seule nourriture nationale est une immonde bouillie gluante qui sort de robinets géants et où la religion nationale est dévolue à des chevaux célestes, les « chevalins ». Les femmes y portent le « culotin » et les hommes la « voilerie »…
Pour le réalisme environnemental de son propos, Riad Sattouf a tourné en Georgie. Dire que le film ne sera pas retenu pour faire la promotion touristique du pays est un euphémisme, d’autant que les lieux de tournage existent vraiment, tel ce village-lotissement, où toutes les maisons décrépites sont identiques et rigoureusement alignées au milieu d’un terrain de boue. De fait, « Jacky au royaume des filles » invente un univers complètement maîtrisé, du régime politique en place, à l’alphabet bubunne, au vocabulaire inventé, en passant par l’architecture et les costumes. Un monde à la Orwell, à priori dénonciateur des « républiques » islamistes, mais plus généralement de l’idéologie patriarcale dominante dans le monde.
Obsolescence
Riad Sattouf parvient à faire passer son message grâce à l’humour constant qui alimente son scénario, sa mise en images et son interprétation. Rien n’est complaisant, surtout pas la photographie, qui ne cherche pas l’esthétisant, ou si celui-ci existe, il s’exprime dans la laideur, la fange d’un monde sclérosé dans l’oppression de la pauvreté et de l’obscurantisme d’une religion de pacotille. Le contraste avec les sphères du pouvoir, luxueuses, sont de mise, asservissant d’autant plus le peuple. Le rapprochement entre les deux sphères s’effectuera sur un mode inattendu et une conclusion qui l’est encore plus…
Riad Sattouf fait fi de tous les poncifs pour dénoncer le patriarcat dominant, en traitant d’une société matriarcale imaginaire. La démonstration s’effectue bien entendu par l’humour, mais aussi la création d’un univers original, cohérent et signifiant. En cela, le cinéaste fait véritablement œuvre de pamphlétaire pour dénoncer une dominante idéologique qui semble indéfectible, mais dont la prise de conscience va dans le sens d’un progrès irréversible, contre lequel les forces réactionnaires et conservatrices, très en vigueur aujourd’hui (les intégrismes de tous bords), sont vouées, à terme, à l’obsolescence. Drôle et édifiant.
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