Jeanne Moreau réalisatrice : une rétrospective en salles la dévoile, féminine et dans l’air du temps
Invisibles depuis des lustres en raison de leur mauvais état, et fraîchement restaurés grâce à la Fondation Jeanne Moreau, ses deux fictions et un documentaire - Lumière, L’Adolescente et Lillian Gish - ressortent en salles à partir du mercredi 15 février. Une (re)découverte, sinon une révélation, où transpire l’amour du cinéma et du métier d’actrice.
"Lumière"
C’est en 1976 que Jeanne Moreau décide de passer derrière la caméra, après avoir commencé au théâtre en 1947, puis au cinéma en 1949. Comme pour nombre de premiers films, son sujet est très proche de la réalisatrice en herbe. Dans Lumière, Jeanne Moreau parle de son métier d’actrice. Elle joue l’une d’entre elles au faîte de sa carrière, alors qu’une deuxième actrice court après un nouveau rôle, qu’une autre encore cherche le premier, pendant qu’une dernière vient de raccrocher les gants.
Avec Keith Carradine, Niels Arestrup, Bruno Ganz et Francis Huster, Lumière montre combien le métier d’acteur ou d’actrice floute les limites entre vie professionnelle et privée, surtout sur le plan sentimental. Le film a un peu vieilli et on sent la réalisatrice encore hésitante. Mais il est plein de charme, sent l’air du temps, et le propos est toujours actuel, avec une pointe de féminisme, alors en plein essor.
"L’Adolescente"
En 1979, Jeanne Moreau fait preuve d’une plus grande maîtrise dans L’Adolescente. En 1939, Marie, 12 ans, passe comme chaque année ses vacances chez sa mamie (Simone Signoret) en Auvergne. L’arrivée d’un jeune médecin (Francis Huster) dans le village lui fait découvrir des sentiments nouveaux qui la guident vers la maturité, alors que la déclaration de guerre est imminente.
L’Adolescence est un merveilleux film, où la lumière d’été transfigure l’image et où l’on sent les foins coupés. Le film rappelle le merveilleux Les Dernières vacances (1948) de Roger Leenhardt avec un parfum de Jean Renoir. Jeanne Moreau n’est pas du casting, mais l’on retrouve Francis Huster, aux côtés d’une craquante Simone Signoret en mamie gâteau, de Jacques Weber, Jean-François Balmer, Hugues Quester, Maurice Baquet et Michel Blanc. L’Adolescente est une belle pépite, solaire, touchante, avec la révélation d’une réalisatrice accomplie.
"Lillian Gish"
Le troisième et dernier film signé Jeanne Moreau en 1983 est un documentaire-portrait sur la star américaine du muet Lillian Gish (1893-1993). Une très belle interview ponctuée d’extraits de films comme Naissance d’une Nation, Intolérance, Le Lys brisé ou Les deux orphelines. Fille de comédienne et d'un père absent, elle se retrouve sur les planches dès 1902 à l’âge de 8 ans et apparaît dans son premier rôle à l’écran en 1912. Elle sera associée au géant du cinéma D. W. Griffith dans quelque 45 films, et tournera dans beaucoup d’autres jusqu’en 1987.
Cette dernière réalisation de Jeanne Moreau vérifie encore la passion de l’actrice pour son art, en rendant hommage à une pionnière qui, elle aussi actrice, est passée à la réalisation. Avec Lillian Gish, c’est le Hollywood des années 20 qu'elle ressuscite, avec des anecdotes en prise directe, racontées par celle qui les a vécues. Défilent alors Mary Pickford, Rudolph Valentino et son mentor D. W. Griffith. D’une beauté inégalée, Lillian Gish en garde les très beaux traits à 90 ans, quand elle est filmée en 1983. Elle est passionnante et l’on en redemande, au bout de la petite heure, trop courte, du film. Rare.
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