"Joker" : Joaquin Phoenix hallucinant dans un sacré méchant film
Ennemi juré de Batman, le Joker se voit consacrer un film à lui tout seul. Le célèbre clown est incarné par Joaquin Phoenix, dirigé par le réalisateur de "Very Bad Trip". Hallucinant.
Lion d’or à la Mostra de Venise, Joker, sur les écrans le 9 octobre, est un des films les plus attendus de ce dernier trimestre. Réalisé par Todd Phillips (Very Bad Trip, War Dogs), Joker sort des sentiers battus du film de super-héros en prenant l’exact contrepied : un anti-héros schizophrène interprété par Joaquin Phoenix, qui repousse les limites de l’interprétation.
Subversif et nihiliste
Dans les années 80, Arthur Fleck (Joaquin Phoenix) habite à Gotham City avec sa mère en fin de vie. Clown au petit pied, artiste raté et ancien pensionnaire de l’asile psychiatrique délabré d’Arkham, il est méprisé de tous. Provoqué dans le métro par des jeunes "yuppies", il abat ses agresseurs et est recherché par la police. Il devient alors l’objet d’un culte d'une frange de la population qui reconnait en lui un paria, en lutte contre l’establishment. Arthur Fleck va devenir le Joker, celui par qui le chaos arrive.
Très étonnant de voir Hollywood envoyer un message aussi subversif, sinon nihiliste, dans un film qui, à priori, surfe sur la vague des blockbusters de super-héros, le Joker étant l’alter ego en négatif de Batman. Le Dark Knight est, lui, totalement absent du film de Todd Philips, le réalisateur évitant l’affrontement classique du bien et du mal, préférant creuser les origines socio-psychologiques de son personnage désaxé.
La face cachée du Joker
L’implication de Joaquin Phoenix (qui a fondu de 23 kilos pour le rôle) produit une interprétation hors-normes, auquel Robert De Niro donne la réplique en animateur télé vedette. Leurs échanges sont un des meilleurs moments du film, la rencontre au sommet de deux générations d’acteurs remarquables.
Un Joker empathique
Le personnage mis en scène par Todd Phillips fait référence au Joker croqué par Christopher Nolan dans The Dark Knight, issu du roman graphique de Grant Morrison et Dave McKean, Les Fous d’Arkham (Comics USA, 1990), qui volait la vedette à Batman. On retrouve le même maquillage dégoulinant de clown décadent et horrifique, le discours nihiliste nourri de rancune contre une humanité qui l’a mis au ban. Projeté dans un Gotham crépusculaire, Arthur Fleck rappelle Travis, joué par Robert De Niro dans Taxi Driver de Martin Scorsese. Ce n’est pas un hasard si l’acteur lui donne la réplique dans Joker.
Le film n’est pas tant violent que dérangeant. Cette violence est davantage psychologique que graphique, même si elle prend parfois le dessus. Mais toujours au service du sens, jamais gratuite. Cette violence est d’abord celle que subit Arthur Fleck, et qu’il va retourner contre ses tortionnaires assimilés à l’humanité entière. Le Joker est une victime, il s’occupe tendrement de sa mère, d’où l’empathie qu’il inspire et le malaise qu’il génère chez le spectateur. Ce mélange de sentiments, rare dans un cinéma américain globalement manichéen (on pense au William Friedkin de French Connection, de Police Fédéral Los Angeles ou de Killer Joe), nourrit un film hors les clous, où éclate le talent d’un metteur en scène inspiré.
La fiche
Genre : Drame
Réalisateur : Todd Phillips
Acteurs : Joaquin Phoenix, Robert De Niro, Zazie Beetz, Frances Conroy, Bill Camp
Pays : Etats-Unis / Canada
Durée : 2h02
Sortie : 9 octobre 2019
Distributeur : Warner Bros.
Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement
Synopsis : Le film, qui relate une histoire originale inédite sur grand écran, se focalise sur la figure emblématique de l’ennemi juré de Batman. Il brosse le portrait d’Arthur Fleck, un homme sans concession méprisé par la société.
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