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"Knock" : Omar Sy dans une version édulcorée de la pièce de Jules Romains

La pièce de Jules Romains "Knock ou le triomphe de la médecine" (1923) a été immortalisée par Louis Jouvet dans le rôle-titre au théâtre puis dans deux adaptations filmées en 1933 et 1951. Lorraine Lévy ("Le Fils de l’autre") donne une version très personnelle avec la star Omar Sy, accompagné d’un véritable aéropage : Alex Lutz, Sabine Azéma, Pascal Elbé, Ana Girardot… en vain.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Omar Sy sans "Knock" de Lorraine Levy
 (Mar Films)

Contradiction

"Knock" est un classique pour lequel Louis Jouvet s’est pris de passion en 1923, dont il signait la mise en scène et les décors au Théâtre des Champs-Elysées, tout en interprétant le rôle principal. Il le reprend au cinéma en 1933 (après une première version en 1925 sans lui), et en 1951, film dont il signe également la direction artistique. Le rôle collait à la peau de Jouvet, dans le cynisme achevé de cet escroc manipulateur et opportuniste qui actualise la figure du médecin chez Molière.

A l’origine Knock n’est pas un personnage sympathique, mais autoritaire, froid et intéressé qui joue de son étrange charisme sur les habitants d’un village qu’il va littéralement rendre malades pour faire sa fortune, et celle du pharmacien. C’est de cette dichotomie entre la vocation altruiste de la médecine et le profit personnel, par l’exploitation de la crédulité des patients, que naît tout le sel et l’humour ravageur de la pièce, puis de leurs adaptations au cinéma. Louis Jouvet demeure inoubliable dans le rôle, sans doute le plus emblématique de sa carrière. L’adaptation de Lorraine Lévy en gomme tout le sens en jouant d’un Knock reconverti, sympathique et empathique, en contradiction avec l’œuvre original. Un parti-pris assumé mais qui en estompe tout l’intérêt.

Hélène Vincent et Alex Lutz dans "Knock" de Lorraine Lévy
 (Mars Films)

Cinéma de papa

A une semaine d’intervalle, deux films français reflètent une facture passéiste du cinéma : "L’Ecole buissonnière" de Nicolas Vanier, et ce "Knock" décevant. Tous deux s’identifient à des comédies rurales, aux personnages truculents, remplies de bons sentiments. Pourquoi pas ?  Mais le bât blesse dans des mises en scène sans invention, avec des interprétations cabotines, pourtant servies par des comédiens de talent. Ces films passent à côté de leur sujet (dans une moindre mesure pour "L'Ecole") : la découverte de la nature et de la vie par un petit orphelin urbain ; une réflexion sur le discours colonial et post-colonial avec l’ethnicisation du personnage de Knock. Ce dernier point, pourtant une bonne idée, devient totalement inutile. 

Reportage Medhi Weber

Omar Sy n’est que plus décevant dans son interprétation minimaliste, voire contradictoire, Sabine Azéma est totalement dénué de crédibilité en paysanne, Pascal Elbé ne croit pas à son rôle dans une sous-intrigue inutile, et Rufus est inexistant. Seul Alex Lutz tire son épingle du jeu, en curé incrédule et critique envers le médecin. Demeure également le plaisir de retrouver Michel Vuillermoz et Hélène Vincent toujours impeccables. C’est peu pour un des films français les plus attendus de la rentrée, avec une distribution si prestigieuse. 

"Knock" : une des affiches-personnages du film
 (Mars Films)

LA FICHE

Genre : comédie
Réalisateur : Lorraine Lévy
Pays : France
Acteurs :  Omar Sy, Alex Lutz, Ana Girardot, Sabine Azéma, Pascal Elbé, Audrey Dana, Michel Villermoz, Hélène Vincent, Christian Hecq, Andréa Ferréol, Rufus
Durée : 2h23
Sortie : 18 octobre 2017

Synopsis : Knock, un ex-filou repenti devenu médecin diplômé, arrive dans le petit village de Saint-Maurice pour appliquer une "méthode" destinée à faire sa fortune : il va convaincre la population que tout bien portant est un malade qui s'ignore. Et pour cela, trouver à chacun la maladie réelle ou imaginaire dont il souffre. Passé maitre dans l'art de la séduction et de la manipulation, Knock est sur le point de parvenir à ses fins. Mais il est rattrapé par deux choses qu'il n'avait pas prévues : les sentiments du coeur et un sombre individu issu de son passé venu le faire chanter. 

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