"L'Ecume des jours" : Gondry bricole brillamment le roman de Vian
De Michel Gondry (France), avec : Romain Duris, Audrey Tautou, Gad Elmaleh, Omar Sy, Aïssa Maïga, Charlotte Le Bon, Sacha Bourdo, Philippe Torreton, Alain Chabat, Laurent Lafitte, Natacha Régnier, Zinedine Soualem.- 2h05 - Sortie : 24 avril
Synopsis : Colin, beau, riche, insouciant, déprime de n'avoir personne dans sa vie. Jusqu'à ce qu'il rencontre Chloé une jeune femme semblant être l’incarnation d’un blues de Duke Ellington. Leur mariage idyllique tourne à l’amertume quand Chloé tombe malade d’un nénuphar qui grandit dans son poumon. Pour payer ses soins, dans un Paris fantasmatique, Colin doit travailler dans des conditions de plus en plus absurdes. Leur appartement se dégrade et rapetisse, alors que leur groupe d’amis, dont le talentueux Nicolas, et Chick, fanatique du philosophe Jean-Sol Partre, se délite.
Le roman phare de Vian a déjà fait l’objet d’un film signé Charles Belmont en 1968 avec Jacques Perrin dans le rôle de Colin. Bien difficile de voir ce film, qui ne semble pas avoir laissé beaucoup de traces. Celui de Michel Gondry fera date. Il bénéficie en premier lieu d’un beau casting, avec les comédiens parmi les plus populaires : Romain Duris (Colin), Audrey Tautou (Chloé), Omar Sy (Nicolas) et Gad Elmaleh (Chick), sans parler de Philippe Toretton qui compose un savoureux Jean-Sol Parthe. Très visuel avec son « pianocktail », sa souris domestique, son nénuphar fatal, son appartement qui rapetisse, et tant d’autres inventions surréalistes sinon fantastiques, « L’Ecume des jours » apparaît des plus inadaptables. Un défi qui correspond bien à Michel Gondry dont la filmographie est fortement imprégnée des mêmes qualificatifs, depuis ses clips pour Björk à « La Science des rêves ». Son univers filmique met en images un monde parallèle qui interpénètre le nôtre. Un sentiment poétique en symbiose avec l’œuvre de Vian et notamment « L’Ecume des jours ». Chaussettes à clous
Si le roman de Vian est éminemment visuel, il est aussi très musical, le jazz étant très important dans le roman, mais aussi dans la vie de l’auteur, dont la « trompinette » était comme un prolongement de son propre corps. Encore un point commun entre Vian et Gondry, auteur de nombreux clips musicaux. C’est dire s’il traduit parfaitement cette dimension musicale, notamment dans les danses chaloupées qu’exécutent les personnages au son de Duke Ellington. C’est la mise en scène très inventive de Gondry qui établit le pont entre le roman et le film. En premier lieu, son choix de faire appel à des trucages mécaniques, exécutés sur le plateau, sans faire appel aux artificiels effets spéciaux numériques. Il donne ainsi plus de matérialité et de sentiment, de chair, à l’univers parallèle de Vian. Ce bricolage, comme le nénuphar fatal à Chloé visualisé par un amalgame de fils de laine colorés, participe de la continuité entre le roman et le film, entre Vian et Gondry, le mieux à même de l’adapter avec une fidélité remarquable. Duris et Tautou sont peut-être, paradoxalement, les points faibles du film, dans une interprétation quelque peu surjouée. Mais le talent de Michel Gondry surpasse ce qui pourrait paraître une lacune majeure. Il transmet, traduit en images ce Paris fantasmé, le bonheur, puis la puissante mélancolie du roman, comme s’il tricotait les fameuses « chaussettes à clous » de la java du même nom chantées par Boris Vian.
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