"L’Innocence" : Hirokazu Kore-eda explore une amitié enfantine sous un jour trop intellectuel

Fidèle à sa thématique familiale, le réalisateur japonais Hirokazu Kore-eda traite le sujet de l'enfance dans un film sophistiqué.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
"Monster" de Hirokazu Kore-eda (2023). (MONSTER FILM COMMITTEE)

L’auteur d’Une affaire de famille et de Tel père, tel fils, Hirokazu Kore-eda, perd un peu de sa superbe dans L’Innocence, qui sort mercredi 27 décembre. Film sur l’amitié fusionnelle entre deux enfants, sa construction trop complexe le prive d’une part du charme et de l’émotion attendus sur un tel sujet.

Minato a un comportement perturbateur qui l’isole de ses camarades de classe. Sa mère veuve, qui l'élève, est constamment confrontée à l’autorité de l'école, alors que le problème semble provenir d’un professeur au comportement violent. De son côté, Minato trouve en Eri un véritable ami qui ne veut toutefois pas que les autres élèves le sachent. Leur amitié fusionnelle va les isoler de plus en plus de leur entourage jusqu’à une fuite en avant irréversible.

L’enfance est un thème majeur du cinéma, depuis Zéro de conduite (1934) de Jean Vigo. Les 400 Coups (1959) de François Truffaut reste également une référence majeure que l’on retrouve dans L’Innocence, où les deux enfants ont le même âge que dans le film français. Minato a par ailleurs un comportement qui dérange les adultes, comme le jeune Antoine Doinel des 400 Coups. Mais là où l’émotion émanait d’un récit à la progression linéaire chez Truffaut, Kore-eda fait le choix d’une narration éclatée où le propos se perd.

Métaphysique de l’enfance

L’Innocence multiplie les points de vue et les temporalités à en perdre la raison. D’abord raconté par le regard de la mère, il passe à celui du professeur, puis de l’enfant, les trois s’interférant plus ou moins tout le long du film. Des scènes sont laissées en suspens sans que l’on en connaisse la conclusion, comme lors de la recherche des enfants par les parents sous une pluie diluvienne. Si Kore-eda demande la participation du spectateur pour créer le lien entre les séquences, la cohérence du récit échappe et le film privilégie des interprétations trop ouvertes.

Dans un tout autre genre, autre référence : 2001 : l’Odyssée de l’espace, de Stanley Kubrick. Le film jouait d'un tel parti pris, mais le sujet s’y prêtait plus que celui d’une amitié enfantine. Kore-eda semble être toutefois dans la continuité de Kubrick quand il évoque dans les propos de Minato la finitude de l’univers (le "big crunch") et la réincarnation, deux sujets qui l’obsèdent. Leur teneur métaphysique rejoint celle de 2001. Mais si le réalisateur japonais a toutes les raisons de teinter de gravité l’enfance, son approche par trop intellectuelle risque de perdre une partie des spectateurs.

L'affiche de "l'Innocence" de Hirokazu Kore-eda (2023). (LE PACTE)

La fiche

Genre : Drame 
Réalisaeur : Hirokazu Kore-eda
Acteurs : Sakura Andô, Eita Nagayama, Soya Kurokawa
Pays : Japon
Durée :  2h06
Sortie : 27 décembre 2023
Distributeur : Le Pacte

Découvrez nos grilles de mots fléchés exclusives sur le thème du Festival de Cannes

jouer maintenant

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.