"L'Odyssée de Pi" : Ang Lee à cheval sur le tigre
De Ang Lee (Etats-Unis), avec : Suraj Sharma, Irrfan Khan, Adil Hussain - 2h05 - Sortie : 19 décembre
Synopsis : Après une enfance passée à Pondichéry en Inde, Pi Patel, 17 ans, embarque avec sa famille, propriétaire d'un zoo, pour le Canada où l’attend une nouvelle vie. Mais son destin est bouleversé par le naufrage du cargo en pleine mer. Il se retrouve seul survivant à bord d'un canot de sauvetage. Seul, ou presque... Un splendide et féroce tigre du Bengale est aussi du voyage. L’instinct de survie des deux naufragés leur fera vivre une odyssée hors du commun au cours de laquelle Pi devra développer son ingéniosité et faire preuve d’un courage insoupçonné pour survivre à cette aventure incroyable.
« L’Odyssée de Pi » s’affirme avec « Le Hobbit », comme le film majeur de ces fêtes de fin d’année. Familiale, une histoire incroyable, avec une leçon de vie à la clé ; une mise en image spectaculaire, au relief 3D impeccable : l’idéal pour une sortie de fête. Fantastique à plus d’un titre, « L’Odyssée de Pi » est crédible de bout en bout, avec des apartés dans un univers onirique qui évoque la luminescence du plus pur art psychédélique. Mais il n’y a pas que l’image : sans dimension dramatique, rien ne marcherait.
La présentation du personnage de Pi est minutieusement concoctée, en racontant les origines de son nom en premier lieu, dont on vous garde la saveur… toute parisienne. Ses déboires d’enfants, son contact avec les religions, son père, tout ce vécu sera essentiel à son instinct de survie, salvateur. Puis survient le clash : le départ de Pondichéry, le naufrage, la confrontation avec un tigre, issu du zoo familiale qui migre vers le Canada, en plein océan pacifique. Le plus étonnant est que Ang lee parvient à nous faire avaler toutes ces couleuvres avec une fluidité et une conviction communicatives qui nous font profiter de tous ces instants avec délectation, ponctuant son récit d’épisodes fascinants : les animaux embarqués sur le canot (car ils sont plusieurs au début de l’aventure), la luminescence des méduses qui éclairent l’océan lors de l’arrivée d’une baleine émergeant de l’océan, la sortie des poissons volants, la communication de plus en plus fructueuse entre le tigre et l’homme, l’arrivée sur l’île « carnivore »… Au final, Pi, narrateur du film présentera une autre version de son récit, en demandant, « laquelle préférez-vous ? » Il est certain que pour tous, cela sera celle du tigre. Milieu naturel
Ce magnifique récit, lisible à plusieurs niveaux, doit beaucoup à la mise en scène du réalisateur taïwanais, au carrefour de la culture asiatique et occidentale, avec lesquelles il jongle magnifiquement. Il distille une part des philosophies extrême-orientales par l’intermédiaire d’un romanesque tout occidental, « Moby-Dick » au premier chef.
Sans les effets spéciaux numériques, impossible de réaliser le film : le tigre est à 80% virtuel, absolument indétectable et d’une merveilleuse beauté, dans ses différentes versions : au naturel, trempé jusqu’aux os, efflanqué par la faim… Lee joue beaucoup des contre-plongées, permettant des reflets extraordinaires entre l'eau et le ciel, créant une continuité naturelle, cosmique entre les eaux, la terre et le ciel : une dimension divine qui alimente son récit : une harmonie. Un mysticisme dénué de tout prosélythisme, mais optimiste. Ce qui fait tant de bien en ces temps de crise.
Toutes les étapes du récit font montre d’une virtuosité constante dans toutes les composantes. Un conte merveilleux, initiatique et extatique : Ang lee dans son milieu naturel.
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