"L'Odyssée", plongée dans la planète Cousteau avec un casting en or
Mieux que les Américains
Jérôme Salle n’a jamais déçu. D’"Anthony Zimmer" (2005), à "Zulu" (2013), en passant par les deux adaptations du héros de bande-dessinée "Largo Winch" (2008, 2001), il toujours démontré un talent de cinéaste exigeant dans ses scénarios et une mise en scène tant classique qu’efficace. Toujours respectueux d’un public à qui il donne le meilleur de lui-même, Salle peut être comparé aux meilleurs cinéastes américains en terme d’universalisme et de professionnalisme, tout en faisant preuve de personnalité. A l’encontre de nombre de ses confrères d’outre-Atlantique, un film de Jérôme Salle se reconnaît.Un biopic du commandant Cousteau est pour lui un boulevard où peut s’exprimer son enthousiasme pour des sujets ambitieux et complexe. Un James Bond de la haute finance ("Largo Winch"), un thriller racial ("Zulu"), aujourd’hui, une icône humaniste, néanmoins controversée. Un boulevard également pour le prodigieux potentiel d’une telle aventure, dimension que maîtrise à la perfection Jérôme Salle, sans tomber ni dans la gratuité ni l’esbroufe. Le cinéaste confirme son amour de la belle image, du cadre et de la lumière, du choix des extérieurs, du rythme et de la spectacularisation du récit. Mais la grande réussite réside dans le mixage de ce talent avec la profondeur psychologique des personnages, pierre d’angle de tous ses films.
Homo aquarius
"L’Odyssée" fait preuve sur ce point d’une grande maîtrise, dans l’écriture (à laquelle Salle participe dans tous ses films), ici adaptée du livre témoignage d’Albert Falco ("Capitaine de la Calypso" – Artaud), principal collaborateur de Cousteau avec son fils Philippe. Il est servi par des acteurs tirés sur le volet. Un casting rêvé, avec Lambert Wilson investi de la complexité de l’homme sous sa silhouette filiforme ; Audrey Tautou, en Simone Cousteau, pétrie d’amour, jalouse des nombreuses conquêtes de son mari, alcoolique et idéaliste ; Pierre Ninney, sous les traits de leur fils Philippe, fils prodigue, puis en conflit avec son père ; sans oublier Vincent Heineine dans le scaphandre de "Bébert" Falco, fidèle et dévoué capitaine et directeur de la photographie, chef de plongée de l’équipe Cousteau.
Elégant dans sa mise en scène, Jérôme Salle lève le voile sur la personnalité de l’homme qui a sensibilisé la planète à la mer, dans sa vocation profonde, mais aussi ses contradictions, tout en effleurant avec tact des rapports familiaux tumultueux et son égotisme. "Toute ma vie j'ai voulu conquérir un nouvel univers, alors qu'il fallait le protéger", dit-il, souscrivant aux propos de son fils pour s’engager dans un combat écologiste, en faisant voter à l’ONU un moratoire sur l’exploitation de l’Antarctique (contesté par la Russie, le Japon et la Chine). L’émotion est à son comble dans la dernière phase du film, à l’annonce de la mort de son fils Philippe, qui anéantit Cousteau, Simone et Falco. Bouleversant. Un oubli : la passion de l’homo aquarius pour la recherche des trésors engloutis dans laquelle il investit beaucoup. Pour financer ses expéditions ? Jérôme Salle n’en maîtrise pas moins son sujet et son film comme un capitaine au long cours. Superbe.
LA FICHE
Biopic de Jérôme Salle (France) - Avec : Lambert Wilson, Pierre Niney, Audrey Tautou, Laurent Lucas, Benjamin Lavernhe, Vincent Heneine - Durée : 2h02 - Sortie : 12 octobre 2016
Synopsis : 1948. Jacques-Yves Cousteau, sa femme et ses deux fils, vivent au paradis, dans une jolie maison surplombant la mer Méditerranée. Mais Cousteau ne rêve que d’aventure. Grâce à son invention, un scaphandre autonome qui permet de respirer sous l’eau, il a découvert un nouveau monde. Désormais, ce monde, il veut l’explorer. Et pour ça, il est prêt à tout sacrifier.Entre vie privée, vie publique, exploration, et risques financiers, la destinée d'une famille engagée dans un idéal.
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