L'ouvrage de Romain Gary, "Chien blanc", revisité au cinéma à l'heure de Black Lives Matter

Le film d'Anaïs Barbeau-Lavalette est ponctué d'archives des années 1960, mais se termine sur des images des manifestations de Black Lives Matter en 2020, entre autres références au présent.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
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Denis Ménochet dans "Chien blanc", le film d'Anaïs Barbeau-Lavalette. (VIVIEN GAUMAND)

Chien blanc, adaptation du livre de Romain Gary, en salles mercredi 22 mai en France, met en images le délitement du couple que formait l'écrivain avec l'actrice américaine Jean Seberg, en plein mouvement des droits civiques aux États-Unis, et les échos actuels de ce dernier.

"Les meilleures portes d'entrée sont souvent intimes", commente dans un entretien à l'AFP la réalisatrice québécoise Anaïs Barbeau-Lavalette.

"Une histoire d'amour qui s'effrite"

Celle-ci raconte donc "une histoire d'amour qui s'effrite, en résonance avec le pays qui s'effrite" après l'assassinat, en 1968, du pasteur noir Martin Luther King, meneur de la lutte pour les droits civiques dans les années 1960 qui, contrairement à Malcolm X, leader du mouvement politique de libération afro-américaine des Black Panthers, refuse la violence.

Romain Gary, interprété par le Français Denis Ménochet et Jean Seberg, jouée par la Canadienne Kacey Rohl, "sont tous les deux complètement bouleversés par la raison de cet effritement, mais ça a des résonances directes dans leur couple, car ils ont une façon différente de réagir", développe la cinéaste. Elle a obtenu l'aval de leur fils, Diego Gary, pour réaliser le film.

Soutien indéfectible des Black Panthers, Jean Seberg les accompagne sur le terrain, au risque de prendre toute la lumière. Ce que Romain Gary va lui reprocher.

L'écrivain, qui s'insurge en privé contre le racisme, "summum de la connerie humaine", tente lui – jusqu'à l'obsession – de rééduquer un "chien blanc" dressé pour attaquer les personnes noires, héritage de l'esclavage. "Récemment, je me suis dit qu'on aurait besoin de se reposer ces questions-là, peut-être d'une nouvelle façon", explique Anaïs Barbeau-Lavalette.

Une "bonne alliée"

Pointe ici une interrogation qui "habite" l'œuvre de la réalisatrice et autrice (La femme qui fuit), qui a étudié à Ramallah, en Cisjordanie : "Comment, comme personne blanche privilégiée, peut-on s'impliquer dans une révolte qui, a priori, ne nous concerne pas, dans le sens où l'on n'en est pas la première victime ?"

Pour tenter d'être une "bonne alliée", Anaïs Barbeau-Lavalette s'est notamment entourée, dans l'écriture et la réalisation de ce long-métrage, de deux consultants afro-descendants. Elle a voulu la même organisation dans chacun des départements impliqués (décors, costumes, post-production...).

À l'heure des débats sur le rôle des "relecteurs en sensibilité", "je comprends les résistances, mais ils n'étaient jamais là pour moraliser mon propos, pour me dire "tu peux pas faire ça", mais pour pointer mes angles morts", explique-t-elle. "Ce qui me rend la plus fière, c'est la façon dont on a fabriqué (le film) ensemble, en se décantonnant chacun de notre peur : pour eux, qu'on prenne leur histoire, pour nous, de la prendre ou de mal la raconter".

L'affiche de "Chien blanc" de Anaïs Barbeau-Lavalette (PRODUCTION NICOLE ROBERT)

La fiche

Genre : Drame
Réalisatrice : Anaïs Barbeau-Lavalette
Acteurs : Denis Ménochet, Kacey Rohl, K.C. Collins
Pays : Canada
Durée : 1h36
Sortie : 22 mai 2024
Distributeur : Go Films
Synopsis : En 1968, peu de temps après l'assassinat de Martin Luther King, l'écrivain humaniste Romain Gary et sa femme, l'actrice et militante Jean Seberg, décident d'accueillir un chien abandonné : un "chien blanc" qui avait été dressé exclusivement pour attaquer les personnes noires. L'histoire raconte comment le couple décide de l'adopter et de le rééduquer.

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