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"La Ch'tite famille" : retour grisant en terres nordistes pour Dany Boon

Dix ans après la sortie de "Bienvenue chez les Ch'tis" – carton historique, avec ses 20,5 millions d'entrées - Dany Boon nous présente "La Ch'tite famille", portrait d'un designer coupé de ses racines nordistes. Loin d'être une suite de "Bienvenue...", le film réinvite le public à s'immerger dans la truculence et le patois haut en couleur du Nord. Rire et émotions à la clé.
Article rédigé par franceinfo - Annie Yanbékian
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Pierre Richard, Valérie Bonneton, Line Renaud, Dany Boon, Guy Lecluyse
 (David Koskas)

Comment retrouver le Nord

Depuis "Bienvenue chez les Ch’tis" (2008), son deuxième film en tant que réalisateur, Dany Boon s'est illustré dans un certain nombre de longs métrages où il incarnait un personnage prisonnier d’un trait de caractère névrotique, voire franchement invalidant. Le surmonter le réconcilierait avec la communauté humaine. Ainsi, Boon était hypocondriaque et parano dans "Supercondriaque" (2014), pingre pathologique dans "Radin !" (réalisé non par lui, mais par Fred Cavayé en 2016), gros macho dans "Raid dingue" (2017)...

Dans "La Ch'tite famille" (qui n'est pas une suite de "Bienvenue chez les Ch'tis"), le sixième film de Dany Boon en tant que réalisateur et scénariste, il n'est question d'aucune névrose ou pathologie initiale. Juste un genre d'amnésie sélective : Valentin, le personnage principal (que Dany Boon incarne), designer très en vogue à Paris, a honte de ses origines ch'ties. Alors il les a purement effacées en s'inventant une enfance d'orphelin. La pathologie surgira de manière accidentelle. L'amnésie sélective deviendra bien réelle, fera basculer le film et ramènera la brebis égarée sur ses terres.

Choc des cultures

En attendant, Valentin D - tel est son nom de designer à succès - mène la belle vie d'un artiste parisien très riche, très sollicité mais pas très sympathique. Il partage sa vie professionnelle et personnelle avec Constance (la formidable Laurence Arné, déjà aux côtés de Dany Boon dans "Radin !"). Une presse un rien sexiste ne voit qu'une "muse" en cette ravissante blonde, ce qui emplit l'intéressée d'amertume. Le couple, très soudé, travaille et crée ensemble. Les meubles qu'ils dessinent sont extrêmement prisés... à défaut d'être confortables ! C'est "le luxe de l'espace vide", "le confort de rien", commente un journaliste en mal de formule lors d'une interview avec le couple au début du film.

Alors que Valentin se prépare à savourer la consécration d'une exposition en son honneur au Palais de Tokyo, c'est aussi l'effervescence à quelque deux cents kilomètres plus au nord... Dans une petite ferme cernée par un champ qui fleure bon les hydrocarbures, une famille modeste se prépare à descendre sur Paris. Suzanne (Line Renaud, impériale), la mère de Valentin, fête ses 80 printemps et entend vivre ce grand jour avec sa famille au complet, avec son fils Gustave (Guy Lecluyse), "Louloute" (Valérie Bonneton), épouse de ce dernier, leur fille jeune ado, mais aussi Valentin, le fils délocalisé et absent. Tous communiquent dans un patois ch'ti haut en couleur...
Line Renaud, Valérie Bonneton, Guy Lecluyse
 (David Koskas)
Ils prennent la route et laissent sur place Jacques (Pierre Richard), le patriarche ombrageux, trop furieux du silence de son fils cadet pour faire le déplacement. Les retrouvailles ont lieu au Palais de Tokyo dans une séquence improbable et désopilante, alimentée par plusieurs couches de pieux mensonges et de quiproquos. Un premier choc des cultures, en somme, entre Paris la hautaine et le peuple du Nord. Il y en aura d'autres. L'occasion d'un clin d'œil à "Bienvenue chez les Ch'tis" : Kad Merad fait une brève apparition comme pour passer le flambeau.

Amnésie rédemptrice

Peu après, Valentin est victime d'un accident dans lequel est impliqué un membre de son entourage. Il se réveille amnésique : les vingt-cinq dernières années de sa vie ont été effacées... Le froid designer a cédé la place à un ado de 17 ans chaleureux, affectueux, amoureux - mais pas de sa compagne actuelle - et inéluctablement ch'ti, parlant presque une langue étrangère pour Constance, son beau-père Alain (François Berléand, carnassier à souhait) et tout son cercle parisien. S'ensuit une course contre la montre pour lui faire recouvrer la mémoire...
Laurence Arné et François Berléand
 (David Koskas)
La rééducation de Valentin donne lieu à des séquences hilarantes. Et, bien sûr, à une prise de conscience, à tous les niveaux, professionnel, et bien sûr, personnel. En se reconnectant avec l'humanité et la bienveillance, Valentin nous fait penser au film de Mike Nichols "À propos d'Henry" (1991) dans lequel Harrison Ford traversait une épreuve comparable. Mais si ce film s'inscrivait dans un registre dramatique, "La Ch'tite famille" s'ancre définitivement dans celui de la comédie.

Bien sûr, Dany Boon grossit les traits jusqu'à la caricature, n'évitant pas les clichés pour amplifier ses effets comiques : les accents ch'tis, le snobisme du monde du design, la froideur et l'impolitesse des Parisiens, tout y passe. Mais on rit beaucoup, et après tout, c'est la mission première de ce film. Et on ne fait pas que rire. On est également ému par un très joli portrait de famille qui renferme son lot de secrets, de pudeurs, de chagrins sous scellés, ceux qui vous mènent à la fuite.

LA FICHE

Genre : Comédie
Réalisateur : Dany Boon
Pays : France
Acteurs : Dany Boon, Line Renaud, Laurence Arné, Valérie Bonneton, Guy Lecluyse, François Berléand, Pierre Richard, Juliane Lepoureau
Durée : 1h46
Sortie nationale : 28 février 2018 (le 23 février dans le Nord)

Synopsis : Valentin D. et Constance, un couple de designers très en vogue, préparent le vernissage de leur rétrospective au Palais de Tokyo, à Paris. Valentin s'est construit un passé d'orphelin délesté de ses origines nordistes. C'est compter sans sa mère, son frère et sa belle-sœur qui décident de s'inviter à cet événement très mondain. Peu après ces retrouvailles d'anthologie, Valentin est victime d'un violent accident. Sous l'effet du choc, sa mémoire des 25 dernières années s'efface, le voilà redevenu un jeune ch'ti de 17 ans...

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