"La Ch'tite famille" : retour grisant en terres nordistes pour Dany Boon
Comment retrouver le Nord
Dans "La Ch'tite famille" (qui n'est pas une suite de "Bienvenue chez les Ch'tis"), le sixième film de Dany Boon en tant que réalisateur et scénariste, il n'est question d'aucune névrose ou pathologie initiale. Juste un genre d'amnésie sélective : Valentin, le personnage principal (que Dany Boon incarne), designer très en vogue à Paris, a honte de ses origines ch'ties. Alors il les a purement effacées en s'inventant une enfance d'orphelin. La pathologie surgira de manière accidentelle. L'amnésie sélective deviendra bien réelle, fera basculer le film et ramènera la brebis égarée sur ses terres.
Choc des cultures
Alors que Valentin se prépare à savourer la consécration d'une exposition en son honneur au Palais de Tokyo, c'est aussi l'effervescence à quelque deux cents kilomètres plus au nord... Dans une petite ferme cernée par un champ qui fleure bon les hydrocarbures, une famille modeste se prépare à descendre sur Paris. Suzanne (Line Renaud, impériale), la mère de Valentin, fête ses 80 printemps et entend vivre ce grand jour avec sa famille au complet, avec son fils Gustave (Guy Lecluyse), "Louloute" (Valérie Bonneton), épouse de ce dernier, leur fille jeune ado, mais aussi Valentin, le fils délocalisé et absent. Tous communiquent dans un patois ch'ti haut en couleur...
Ils prennent la route et laissent sur place Jacques (Pierre Richard), le patriarche ombrageux, trop furieux du silence de son fils cadet pour faire le déplacement. Les retrouvailles ont lieu au Palais de Tokyo dans une séquence improbable et désopilante, alimentée par plusieurs couches de pieux mensonges et de quiproquos. Un premier choc des cultures, en somme, entre Paris la hautaine et le peuple du Nord. Il y en aura d'autres. L'occasion d'un clin d'œil à "Bienvenue chez les Ch'tis" : Kad Merad fait une brève apparition comme pour passer le flambeau.
Amnésie rédemptrice
La rééducation de Valentin donne lieu à des séquences hilarantes. Et, bien sûr, à une prise de conscience, à tous les niveaux, professionnel, et bien sûr, personnel. En se reconnectant avec l'humanité et la bienveillance, Valentin nous fait penser au film de Mike Nichols "À propos d'Henry" (1991) dans lequel Harrison Ford traversait une épreuve comparable. Mais si ce film s'inscrivait dans un registre dramatique, "La Ch'tite famille" s'ancre définitivement dans celui de la comédie.
Bien sûr, Dany Boon grossit les traits jusqu'à la caricature, n'évitant pas les clichés pour amplifier ses effets comiques : les accents ch'tis, le snobisme du monde du design, la froideur et l'impolitesse des Parisiens, tout y passe. Mais on rit beaucoup, et après tout, c'est la mission première de ce film. Et on ne fait pas que rire. On est également ému par un très joli portrait de famille qui renferme son lot de secrets, de pudeurs, de chagrins sous scellés, ceux qui vous mènent à la fuite.
LA FICHE
Réalisateur : Dany Boon
Pays : France
Acteurs : Dany Boon, Line Renaud, Laurence Arné, Valérie Bonneton, Guy Lecluyse, François Berléand, Pierre Richard, Juliane Lepoureau
Sortie nationale : 28 février 2018 (le 23 février dans le Nord)
Synopsis : Valentin D. et Constance, un couple de designers très en vogue, préparent le vernissage de leur rétrospective au Palais de Tokyo, à Paris. Valentin s'est construit un passé d'orphelin délesté de ses origines nordistes. C'est compter sans sa mère, son frère et sa belle-sœur qui décident de s'inviter à cet événement très mondain. Peu après ces retrouvailles d'anthologie, Valentin est victime d'un violent accident. Sous l'effet du choc, sa mémoire des 25 dernières années s'efface, le voilà redevenu un jeune ch'ti de 17 ans...
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