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La restauration flamboyante de "La Maman et la putain" de Jean Eustache crée l’événement

Invisible depuis des lustres, le film avait provoqué en 1973 l'un des plus grands scandales du Festival de Cannes.

Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
Françoise Lebrun, Jean-Pierre Léaud et Bernadette Lfont dans "La Maman et la putain" de Jean Eustache (1973). (LES FILMS DU LOSANGE)

La Maman et la putain remportait le Grand prix spécial du jury du Festival de Cannes en 1973, malgré l’accueil de festivaliers partagés entre enthousiasme et indignation. Accueil qui se renouvelait lors de sa distribution en salle. Avec Jean-Pierre Léaud, Bernadette Lafont et Françoise Lebrun, le film se voyait aussi décerner la palme du scandale. Il ressort en salle mercredi 8 juin 2022, une découverte pour beaucoup, une redécouverte inépuisable pour les autres.

Libertaire

À Paris, Alexandre brille par son oisiveté et vit au crochet de Marie tout en multipliant les conquêtes qu’elle supporte tant bien que mal. Plaqué par Gilberte, son autre maîtresse, le bohème séduit Véronika, interne à l’hôpital Laënnec, qui prône une liberté sexuelle en s’offrant à qui la désire. Alexandre s’en éprend et la présente à Marie qui va progressivement l’accepter dans son ménage vacillant. 

Rejeton tardif de la Nouvelle Vague, avec son format carré, son noir et blanc somptueux éclairé par Pierre Lhomme, ses décors naturels, un son en prise directe, et l’icône Jean-Pierre Léaud révélé par François Truffaut, La Maman et la putain est immédiatement devenu un film culte. Jean Eustache captait alors l’air du temps, une société en pleine mutation, un féminisme naissant, quatre ans après les événements de 1968. Le film exposait ce qui allait devenir, près de cinquante ans plus tard, un enjeux "sociétal" contemporain, une terminologie qui n’existait pas à l’époque, preuve de sa pertinence, quasi prémonitoire.

Modernité

Le personnage d’Alexandre se laisse bercer par une nonchalance peuplée d’amis aussi oisifs que lui qui, au prétexte de leur individualisme, défendent une vision de la femme arriérée, issue du XIXe siècle. Un conservatisme auquel Marie et surtout Véronika répondent par une ouverture d’esprit caractéristique des années 70 et qui devait régresser dès les années 80 jusqu’à aujourd’hui.

Le scandale de 1973 visait surtout les dialogues très crus du film, inusités à l’époque, où le sexe est abordé sans fioriture. La nudité alors balbutiante à l’écran, et la constitution d’un ménage à trois dénué de toute morale et contraire à l’institution du mariage faisait le reste. La Maman et la putain peut alors être vu comme le manifeste d’une révolution des mentalités, au cœur desquelles la sexualité et les rapports entre hommes et femmes sont remis en cause par la nouvelle génération. Une problématique qui trouve un écho très actuel aujourd’hui, avec #MeToo et le mouvement LGBT qui renouent avec les revendications féministes et réformatrices des années 70. La modernité s’incarne dans des œuvres pérennes en avance sur leur temps, et La Maman et la putain en est un des plus évidents fers de lance. Essentiel.

L'affiche de la version restaurée de "La Maman et la putain" de Jean Eustache (1973). (LES FILMS DU LOSANGE)

La fiche

Genre : Drame
Réalisateur : Jean Eustache
Acteurs : Jean-Pierre Léaud, Françoise Lebrun, Bernadette Lafont
Pays : France
Durée : 3h40
Sortie : 8 juin 2022
Distributeur : Wild Bunch

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